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DE VAUVENARGUES.


parce que ses écrits ne sont, à les bien prendre, que des confidences involontaires ; et, cependant, Vauvenargues n’est pas généralement connu. Dans l’esprit du plus grand nombre, c’est un sage jeune et doux, à qui la sagesse ne coûta guère d’efforts, et qui, peu fait pour la vie extérieure, se borne à en contempler de loin les agitations. J’ose dire que lui donner si peu, c’est lui faire tort ; car Vauvenargues n’est pas seulement un sage ; c’est aussi, c’est surtout, un homme d’action ; l’homme d’action précède en lui l’écrivain, et l’inspire toujours. Il a voulu conduire les hommes avant de les instruire, et il ne se résout à suivre de loin le spectacle de la vie humaine, que quand la maladie et la mort prochaine l’empêchent d’y prendre un rôle. Aussi, montrer l’homme à l’œuvre, avant de montrer l’écrivain qui en procède ; exposer dans une biographie toute morale les agitations de cette âme fortement éprise de la vie du dehors ; faire ressortir le trait le plus remarquable et le moins remarqué peut-être dans Vauvenargues, la persévérance dans l’ambition, ambition aussi généreuse qu’ardente, je me hâte de le dire ; montrer en lui l’athlète vaillant au combat de la vie, qui lutte et grandit jusqu’au bout de ses forces, et quitte l’arène, blessé a mort, mais invaincu, et emportant avec lui tout son courage, et tout son respect pour cette vie terrestre qui lui échappe ; puis, chercher, retrouver l’homme dans ses écrits ; enfin, confirmer, en la lui appliquant, l’épigraphe que je lui emprunte : « Les maximes des hommes décèlent leur cœur, » tel est le plan que je me propose de suivre. Quand l’homme sera connu, l’éloge de l’écrivain sera déjà presque achevé. En effet, par une rencontre qui est à la fois le bonheur de ce sujet et la gloire de Vauvenargues, l’homme et l’écrivain sont chez lui tellement joints et en si parfait accord, que, montrer l’un, c’est déjà louer l’autre.


Dans l’histoire des hommes célèbres, rien n’attire plus que leurs commencements. On aime à voir poindre ces lumières encore mêlées d’ombre, et à surprendre sur les fronts, prédestinés ce premier rayon, qui n’est pas encore la gloire, mais qui en est