Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/257

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
203
SUR LE LIBRE ARBITRE.


n’est pas qu'il ait oublié sa première résolution; peut-étre est-elle encore présente , mais comme un souvenir fâcheux qui chancelle et s'évanouit; des désirs plus doux la com- battent; l’objet de ses terreurs est loin, le plaisir est pro- che et certain; il y touche en mille manières par les sens ou par la pensée; le parfum d’une fleur que l’on vient de cueillir ` ne pénètre pas aussi vite que les impressions du plaisir; le goût des mets les plus rares n-'entre pas si avant dans un ·homme affamé, ni celui d’un vin délicieux dans la pensée d’un ivrogne. Cependant l’expérience mele encore quelque inquiétude à ces sentiments flatteurs; de secrets retours les balancent; des volontés commencées tombent et meurent aussitot; la proximité du plaisir et la prévoynncedes peines opposent entre eux ces désirs, les éteignent et les raniment; faites attention à cela. Mais enfin qu’est-ce que la vie, lors- ` · qu' elle est abimée dans la vue de la mort, dans une tristesse · sauvage, sans plaisir et sans liberté? Quelle folie de quitter le présent pour Yavenir, le certain pour l'incertainl Les voluptés les plus molles trouvent leur contre-poison; le ré- gime, les remèdes, réparent bientot les forces. Ce n’est point un mal sans ressource que de céder à l'occasion ; une seule faiblesse est-elle sans retour? Dorénavant l’on peut fuir le danger; mais on a tant fait de chemin.., Là- dessus vient un regard qui donne d’autres pensées; la crainte et la raison se cachent, le charme présent les dissipe, et la volonté dominante se consomme dans le plaisir. ~ — Mais si cet homme, direz-vous, voulait retenir ses idées, sa première résolution ne s'efl'acerait pas ainsi. — S’il le voulait bien, d’accord; mais je l’ai déjà. dit, et je le répète encore, cet homme ne peut le vouloir que ses ré- flexions n’aient la force de créer cette volonté; or, ses sen- sations plus puissantes exténuent ses réflexions, et ses ré- flexions exténuées produisent des désirs si faibles, qu’ils cèdent sans résistance à. l'impression des sens'. . • Add.: « Nous nous flgurons plnlsamment que lorsque la passion nous ~ porte ll quelque mal, et que la raison nous en détourne, il y a encore en |