Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/311

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
257
SUR QUELQUES POÈTES.


succès'. Les endroits où le poète parait s'égarer devraient étre, à mon sens, les plus passionnés de son ouvrage; il est méme d'autant plus nécessaire de mettre du sentiment dans nos odes, que ces petits poèmes sont ordinairement vides de pensées, et qu’un ouvrage vide de pensées sera toujours faible, s’il n'est rempli de passion; or, je ne crois pas qu'on puisse dire que les odes de Rousseau soient fort passionnées '. ll est tombé quelquefois dans le défaut de ces poètes qui semblent s’étre proposé dans leurs écrits, non d’exprimer plus fortement par des images des passions vio- lentes, mais seulement d'assembler des images magnifiques, plus occupés de chercher de grandes figures ·que de faire naitre dans leur âme de grandes pensées ’. Les défenseurs de Rousseau répondent qu'il a surpasse Horace et Pindare auteurs illustres dans le méme genre, et, de plus, rendus

  • Add. : [~ Ce n'œt vraiment pas de nos odes, ce me semble, que Boileau

¤ pourrait dire : ‘ Souvent un beau désordre est un elat de l‘art.·]

  • Add.: [ « Ce n'est pas toujours la passion qui le mène hors de son sujet;

« il parait n‘en sortir souvent que parce que, épuisé et refroidi, il est obligé • de se soutenir par des épisodes; c‘eat un esprlt qui tombe et qui s'éteint. · Cest ce qu’on pourraitremarquer dans l’ode sur la Mart du prince dt Conti. u ll règne une tristesse très-majestueuse dans cette ode; mais l'épiaode sur « la tlatterle, quoique rempli de vers magnifiques, me semble un peu long, · et, si j’oae le dire, fort peu passionné. Comme je ne fais point de vers, je • ne suis pas toujours assez touché peut-étre de cette mecanique ditticile, ~ fort prisée par les gens du métier, mais qui n'est estimée des autres bom- « mes qu'autant que les passions lui donnent. une éme, et que de grandes ¤ pensées l'ennoblissent. Je sais qu'il y a des juges d’un gout éclairé qui ·· trouvent l’un et l'autre dans Rousseau : s’lls sont transportés par la lecture « de ees odes, si leurs cheveux se dressent sur leur tete, c'est qu'ils sont plus ~ sensibles que moi, et je n'att.aque point leur opinion; mais je dis simple- • ment ce que je sens, parce que je le sens, et que je n‘ai jamais compris · qu'on put écrire, non pas sa pensée, mais celle d’un autre. ••]— Autre add.: [· Au reste, je ne me crois pas obligé de répondre L ceux qui disent que nous • n'avo¤s pas de meilleures odes dans notre langue que celles de Rousseau; ~ car je ne vois pas œ que cela prouve. Pallait—il admirer le poeme de Cha- • pelain, parce que nous n'avions pas de meilleur poème épique avantla « llsnriadeh] .

  • Var.: [ ~ ll semble que Pintention des poètes lyriques ait été, non d'ex-

~ primer fortement des passions vraies, et de grandes pensées, mais unique- • ment d'entasaer des images, ce qui est le sur moyen pour qu'elles ne fas- , ~ sent aucune impression. •] -· Vauvenargues est encore plus sévère pour Rousseau, dans sa premiere lettre L Voltaire. (Voir plus loin.) — G. i7