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DE VAUVENARGUES.


souvent les autres, parce qu’on se reconnaît en eux. De même pays, de même naissance, officiers tous deux, tous deux morts avant l’âge, que de tristes et saisissante rapports ! Aussi, qu’on regarde de près à ce discours, il est clair que ce n’est pas seulement un ami, mais un idéal, ou plutôt un autre lui-même, que Vauvenargues a perdu. Les qualités étonnantes qu’il attribue à cet enfant de dix-huit ans dépassent trop évidemment la portée de cet âge, les traits de cette figure sont trop fermes et trop virils, pour que Vauvenargues ne l’ait pas agrandie ou complétée, en empruntant à la sienne. Cependant, malgré son goût pour cet ouvrage, et malgré quelques parties fortes et touchantes, il faut avouer que les proportions du simple éloge y sont dépassées, et que celles de l’oraison funèbre ne sont pas atteintes.

Hippolyte de Seytres a mieux inspiré Vauvenargues dans les Discours sur la Gloire, sur les Plaisirs, et surtout dans les Conseils à un Jeune homme ; car c’est à lui que ces diverses pièces étaient adressées. Toute sa morale est en germe dans ces pages ; mais, à ne les regarder qu’au point de vue littéraire, on peut dire qu’elles comptent parmi les meilleures de Vauvenargues. Ces discours sont des entretiens, et l’on aime à s’imaginer qu’il parlait ainsi, sur ce ton à la fois grave et pénétrant, calme et doucement échauffé. Les Conseils à un Jeune homme donnent peut-être l’idée la plus complète de Vauvenargues, et, malgré quelques incorrections insignifiantes, peuvent se ranger parmi les morceaux les plus achevés de notre langue. Parler comme Fénelon était son idéal, et, nulle part, il n’en est plus près. Là, se retrouvent ces amenités et ces grâces qui le charmaient dans son maître, avec je ne sais quoi de plus jeune, de plus passionné et de plus fier.

Le principal intérêt des discours sur le Caractère des différents siècles, et sur les Mœurs du siècle, c’est que Vauvenargues y répond d’avance aux prochains paradoxes de J.-J. Rousseau. Rousseau va soutenir que les arts ont suscité les vices : « Non, dit Vauve-

    autre que l’adversaire des Jésuites, dont le nom est devenu inséparable de celui de La Chalotais. Quant à Mirabeau, c’est l’économiste, le père du grand orateur. Daguesseau faisait si grand cas de Monclar, qu’il l’appelait l’ami du bien, et Mirabeau faisait si grand cas de lui-même, qu’il s’appelait l’ami des hommes.