Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/414

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' 3(0 ESSAI loue point, si ce n'est lui-méme. Ceux qui le voient aujour- d’hui sont assez persuadés de son esprit, et peuvent etre assez contents de lui; mais aucun n'est content de soi; au- cun ne se souvient des discours de Lysias, nul n'en est touché, nul n'a envie de s’attacher à lui; il n'a autour de lui que quelques sots qui l'admirent et lui font la cour; et il est d'une vanité si petite, qu’il s’amuse et se con- tente d’un semblable cortége; il a, d'ailleurs, des équipages magnifiques, une table trés-délicate, pour les gens de basse extraction qui Yapplaudissent; il Habite dans un palais; et ce sont les seuls avantages qu’il retire de beaucoup d'esprit et d' une plus grande fortune'. 5!1. — LE Lzcraun-wrsua •. _ . l ll n'y a point de si petit peintre qui ne porte son juge- ment du Poussin et de Raphaël; de méme, un lecteur, qui a lui·meme écrit, se regarde, sans hésiter, quel qu’il soit, ` comme le juge souverain de tout écrivain; il fait plus, il s’en rend partie, et le décrie autant qu’il peut. C’est assez que ce barbouilleur de popier’ ait fait imprimer un petit ro- man ou quelques vers obscènes, qu’il ait lu le Dictionnaire de Bayle et quelques chapitres de Montaigne, pour qu’il se croie en droit de définir le beau et le sublime, et de pro- noncer despotiquement; il juge d’Homère, de Démosthénes, de Newton, de tous les auteurs et de tous les ouvrages qui sont fort au delà de sa portée. S’il y rencontre des opinions _ qui contrarient ou qui détruisent les siennes, il est bien éloigné de penser qu’il a pu se tromper toute sa vie; lors- qu'il n’entend pas quelque chose, il déclare que l’auteur est obscur, quoiqu'il ne soit pour d’autres que concis; il condamne tout un livre sur quelques pensées qu’il n'a pas • L'auteur veut dire que Lysiss a encore plus de fortune que d’esprit; mais cette manière d'expi-imer la pensée ne me parait pas correcte. - S.

  • C’est une version nouvelle et plus complète du morceau intitulé, dans lea

éditions précédentes : Le Critique bomé. — G.

  • C’est une des injures que Trinotin échange avec Vadlus. - Molière, les

Femmes savantes, acte lil, scène 5. — G.