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SUR QUELQUES CARACTÈRES.


Que m’srrachent pour vous de trop justes alarmes. Loin du trone nourri, de ce fatal honneur, ` ' ' Hélas! vous ignorez le charme empoisonncur; . Do l'abs0lu pouvoir vous ignorez l'ivresse, , ` lit des lâches flatteurs la voix enclianteressc. Bientot ils vous diront que les plus saintes lois, Msltresses du vil peuple, obéissent aux rois; Qu’un roi n'u d’autre frein que sa volonté meme, Qu'il doit immoler tout a sa grandeur supreme; · Qu‘aux larmes, au travail, le peuple est condamné, Et d'un sceptre de fer veut etre gouverné; Que s'il n'est opprimé, tot ou tard il opprime : Ainsi, de piège en piège, et d'sblme en ablmc, Corrompsnt de vos mœurs l’aimab|o pureté, Ils vous feront enlln hslr la vérité, Vous peindront ls vertu sous une affreuse image; ' Hélas! ils ont des rois égaré le plus sage. Promettez sur ce livre, et devant ccs témoins, Que Dieu sera toujours le premier de vos soins; Que, sévère aux méchants, et des bons le refuge, Entre le pauvre et vous, vous prendrez Dieu pour juge; Vous souvenant, mon flls, que, caché sous ce lin, Comme eux, vous fûtes pauvre, et, comme eux, orphelin. Racnrs, Athalic, acte IV, sc. :1. Pour sentir la beauté et la tendresse de tels vers, il faudrait avoir des entrailles; mais l’heureux Cotin n’a point d’âme, et met la grandeur dans l'esprit; il sait admirer des sen- tences et des antlthèses , meme hors de leur place; mais il ne connait ni la force, ni les mouvements des passions, ni leur désordre éloquent, ni leurs hardiesses, ni ce sublime simple qui éclaire sans éblouir, et qui saisit d’autant plus, qu’i1 cache la hauteur de son essor sous les expressions les plus naturelles. Cependant, la folie de Cotin est de croire qu il a le gout juste et des connaissances universelles; il se vante de posséder toutes les littératures, et il fait des pa· rallèles d’auteurs français avec des auteurs étrangers qu'il n`entend point; il veut aussi faire penser qu'i1 possède toutes les langues; il n’estime pas que quelqu’un qui les ignore puisse avoir l’esprit étendu, et il croirait volontiers qu Homère savait le latin. Les hommes de ce caractère n'admirent dans un écrivain que l'ostentation et le faste dont ils sont eux-mêmes remplis; trompés par de fausses lueurs et par la sécheresse de leur cœur, ils n'ont point