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SUR QUELQUES CARACTÈRES.


« attention à sa vertu? La nécessité l'a poussé, Yinfortune « laavili, et le sort s est joué de sa prudence. Toutefois, · « ni Padversité, ni la honte, ni la misère, ni ses fautes, « s‘il en a faites', ni l`i¤justice d'autrui, n'ont abattu son « courage. Qui voudrait étre riche mais avare, respecté « mais faible, craint mais haî, servi mais méprise? et, au « contraire, qui ne voudrait étre pauvreavec de la vertu ·i et du courage'? Celui qui .peut vivre sans crime, et qui « sait oser et soulfrir, sait aussi se passer de la fortune « qu'il a méritée : les heureux et les insensés pourront in- « sulter sa misère; mais l’injure de la folie ne saurait flé- • trir la vertu; l’injure est l’opprobre du fort qui abuse « des dons du hasard, et Parme du lâche insolent. · Ces discours d’un homme éloquent et inquiet`, qui s’est fait un nom par ses écrits , échaulfent l’esprit des jeunes gens prompts à s'enllammer; ils ne songent plus à la stérile gloire des lettres; ils veulent sortir de pair par des actions, non par des livres; mais la fortune laisse rarement aux hommes le choix de leurs vertus et de leur travail '·

  • Tel est le texte, non-seulement des éditions précédentes, mais aussi du . '

manuscrit; il faudrait : s'il en a fait. —- G. 1 Voir les deux premiers Caractères (Closoménc et Phérécide) ; tous ces por· traits se rapportent a un méme original. — G. ¤ Rapprochex des 52• et 53• Réflexions sur divers sujets. — Lorsque Veuve. nargues quitta l’armée, sa famille, pour le retenir en Provence, lui refusa les moyens de vivre A Paris; il s‘obstina A s’y tlxer, et, malgré la résistance, les scrupules, lesmoquerles meme de ses parents et de ses amis, il y prit le métier d'écrivaln, non-seulement comme demière chance de réputation, mais comme ressource. Ce ne fut pas, toutefois, sans regret, et l'on voit, par ce morceau, que ses illusions n'ont pas longtemps duré. Dans sa lettre à Saint-Vincens, du l" mars HM, il lui dit a ce sujet : Je suis au désespoir d'étrc réduit ai un parti _ qui me répuqne, dans le f0nd,autant qu’il déplaire o ma famille, et il ajoute : moislo nécessité n’ap0int de loi. Remarquons que, danslesllgnesqui précèdent, Sénèque dit. de meme : La nécessité l’a pousse , et que le morceau se termine par cette rétlexion transparente : Lu fortune laisse rarement aux hommes le ' rhoix de leurs vertus et de leur travail. (1'est le cas de rappeler lci l'excel- leute remarque de M. Sainœ·Beuve, que nous avons citée plus haut (voir la note de la page litt); il est clair que la réputation littéraire n’est pas cello que Vauvenargues eut préférée; on sait, d'ailleurs, que cette demiére conso- lation lui a manqué, et que sa gloire est posthume. Ajoutons qu'apres cette détermination prise contre l'avis de sa famille, il mourut dans la rue du Paon, à l’hotel de Tours, non—seulement dans la souffrance, mais dans un état de détresse dont ses amis de Paris, et Voltaire lui-méme, n'eurent le secret