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RÉFLEXIONS

61. Quelques fous se sont dit à table : il n’y a que nous qui soyons bonne compagnie ; et on les croit[1].

62. Les joueurs ont le pas sur les gens d’esprit, comme ayant l’honneur de représenter les hommes riches[2].

63. Les gens d’esprit seraient presque seuls, sans les sots qui s’en piquent[3].

64. Celui qui s’habille le matin avant huit heures pour entendre plaider à l’audience, ou pour voir des tableaux étalés au Louvre[4], ou pour se trouver aux répétitions d’une pièce prête à paraître, et qui se pique de juger en tout genre du travail d’autrui, est un homme auquel il ne manque souvent que de l’esprit et du goût.

65. Nous sommes moins offensés du mépris des sots, que d’être médiocrement estimés des gens d’esprit.

66. C’est offenser quelquefois les hommes que de leur donner des louanges, parce qu’elles marquent les bornes de leur mérite ; peu de gens sont assez modestes pour souffrir sans peine qu’on les apprécie.

67. Il est difficile d’estimer quelqu’un comme il veut l’être[5].

68. On doit se consoler de n’avoir pas les grands talents, comme on se console de n’avoir pas les grandes places : on peut être au-dessus de l’un et de l’autre par le cœur[6].

69. La raison et l’extravagance, la vertu et le vice ont leurs heureux : le contentement n’est pas la marque du mérite[7].

70. La tranquillité d’esprit passerait-elle pour une meilleure preuve de la vertu ? La santé la donne[8].

  1. [Bien. — V.]
  2. [Bien. — V.]
  3. [Bien. — V.]
  4. Var. : « Ne se connaît ordinairement ni en peinture ni en éloquence. »
  5. Il faudrait dire comme il veut être estimé, ou qu’il y eût précédemment un participe, au lieu de l’infinitif. — M.
  6. [Bien. — V.]
  7. [Bien. — V.]
  8. [Bien. — V.]