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ET MAXIMES.

commettre au hasard nos destinées, et de pourvoir à l’intervalle qui est entre nous et la mort.

148. Ni le dégoût n’est une marque de santé, ni l’appétit n’est une maladie ; mais tout au contraire. Ainsi pense-t-on sur le corps ; mais on juge de l’âme sur d’autres principes : on suppose qu’une âme forte est celle qui est exempte de passions ; et, comme la jeunesse est plus ardente et plus active que le dernier âge, on la regarde comme un temps de fièvre ; et on place la force de l’homme dans sa décadence[1].

149. L’esprit est l’œil de l’âme, non sa force. Sa force est dans le cœur, c’est-à-dire dans les passions. La raison la plus éclairée ne donne pas d’agir et de vouloir. Suffit-il d’avoir la vue bonne pour marcher ? Ne faut-il pas encore avoir des pieds, et la volonté avec la puissance de les remuer[2] ?

150. La raison et le sentiment se conseillent et se suppléent tour à tour. Quiconque ne consulte qu’un des deux et renonce à l’autre, se prive inconsidérément d’une partie des secours qui nous ont été accordés pour nous conduire[3].

151. Nous devons peut-être aux passions les plus grands avantages de l’esprit [4].

152. Si les hommes n’avaient pas aimé la gloire, ils n’avaient ni assez d’esprit ni assez de vertu pour la mériter[5].

153. Aurions-nous cultivé les arts sans les passions ? et la réflexion, toute seule, nous aurait-elle fait connaître nos ressources, nos besoins, et notre industrie ?

154. Les passions ont appris aux hommes la raison[6]

  1. [Bien. — V.]
  2. [Bien. — V.] — Rapprochez ces deux Maximes et les cinq qui suivent, des 123-135e qui précèdent. — G.
  3. Var. : « S’affaiblit lui-même, et trompe, par son imprudence, les sages précautions de la nature. » — Voir la note de la Maxime 123e. — G.
  4. [Bien. — V.]
  5. [Bien. — V.]
  6. [Bien. — V.] — Cette dernière Maxime, un peu obscure, a besoin d’être éclaircie par celle qui suit. L’auteur a voulu dire, ce semble, que ce