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RÉFLEXIONS

point[1], et ceux qui conservent encore quelque amour de la vérité excitent contre eux la colère et les préventions du public.

301. Il n’y a guère d’esprits qui soient capables d’embrasser à la fois toutes les faces de chaque sujet, et c’est là, à ce qu’il me semble, la source la plus ordinaire des erreurs des hommes. Pendant que la plus grande partie d’une nation languit dans la pauvreté, l’opprobre et le travail, l’autre, qui abonde en honneurs, en commodités, en plaisirs, ne se lasse pas d’admirer le pouvoir de la politique, qui fait fleurir les arts et le commerce, et rend les États redoutables.

302. Les plus grands ouvrages de l’esprit humain sont très-assurément les moins parfaits : les lois, qui sont la plus belle invention de la raison, n’ont pu assurer le repos des peuples sans diminuer leur liberté[2].

303. Quelle est quelquefois la faiblesse et l’inconséquence des hommes ! Nous nous étonnons de la grossièreté de nos pères, qui règne cependant encore dans le peuple, la plus nombreuse partie de la nation ; et nous méprisons en même temps les belles-lettres et la culture de l’esprit, le seul avantage qui nous distingue du peuple et de nos ancêtres.

304. Le plaisir et l’ostentation l’emportent dans le cœur des grands sur l’intérêt : nos passions se règlent ordinairement sur nos besoins.

305. Le peuple et les grands n’ont ni les mêmes vertus, ni les mêmes vices[3].

  1. Add. : [« Misérables victimes de leur circonspection, les entraves de leur prudence retiennent leur courage, et leurs paroles énervées et languissantes — ne sont que l’image et la preuve de l’avilissement de leur cœur. »]
  2. Var. : « N’ont pu rendre les peuples plus tranquilles et plus polis, sans, » etc. — Voir la 184e Maxime, et la note qui s’y rapporte, p. 392, 393 — G.
  3. [Au moins, n’ont-ils pas les mêmes dehors. — V.]