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ET MAXIMES.

344.  Ce que bien des gens, aujourd’hui, appellent écrire pesamment, c’est dire uniment la vérité, sans fard, sans plaisanterie et sans trait.

345.  Un homme écrivait à quelqu’un sur un intérêt capital ; il lui parlait avec quelque chaleur, parce qu’il avait envie de le persuader ; il montra sa lettre à un homme de beaucoup d’esprit, mais très-prévenu de la mode : — Et pourquoi, lui dit cet ami, n’avez-vous pas donné à vos raisons un tour plaisant ? Je vous conseille de refaire votre lettre.

346.  On raconte de je ne sais quel peuple[1], qu’il alla consulter un oracle pour s’empêcher de rire dans les délibérations publiques : notre folie n’est pas encore aussi raisonnable que celle de ce peuple[2].

347.  C’est une chose remarquable que presque tous les poètes se servent des expressions de Racine, et que Racine n’ait jamais répété ses propres expressions.

348.  [Nous admirons Corneille, dont les plus grandes beautés sont empruntées de Sénèque et de Lucain que nous n’admirons pas.]

349.  [Je voudrais qu’on me dit si ceux qui savent le latin n’estiment pas Lucain plus grand poète que Corneille.]

350.  [Il n’y a point de poète en prose ; mais il y a plus de poésie dans Bossuet que dans tous les poèmes de La Motte.]

351.  [Comme il y a beaucoup de soldats et peu de braves, on voit aussi beaucoup de versificateurs et presque point de poètes. Les hommes se jettent en foule dans les métiers honorables, sans autre vocation que leur vanité, ou, tout au plus, l’amour de la gloire.]

  1. Les Tirynthiens, peuplade grecque du Péloponèse. — G.
  2. Parce que ce peuple avait, au moins, conscience de sa folie, puisqu’il voulait en guérir, tandis que nous n’avons pas conscience de la nôtre. — G.