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ÉLOGE DE VAUVENARGUES.


a-t-il pas comme un secret pressentiment, et n’est-ce pas sa destinée qui venait l’avertir qu’en effet il perdait là son bon génie, ou, comme il le dit lui-même, la douce espérance du reste de ses jours ? Oui, s’il pouvait être donné à quelqu’un de contenir Voltaire, c’était à ce jeune homme, si digne, si imposant, et capable d’inspirer le respect, parce qu’il se respectait lui-même.

Vauvenargues a compté sur le cœur ; le cœur lui en a gardé reconnaissance. Sa gloire, il ne l’a pas connue ; elle n’a pas été cette ovation bruyante, et sujette parfois à d’amers retours, que composent les voix de tout un peuple, et qui fait le soudain retentissement du nom et des œuvres ; elle ressemble à ce murmure de l’estime, plus discret mais plus sûr peut-être, qui, se poursuivant d’âge en âge, récompense les beaux génies inspirés par de belles âmes. Telle sera la part réservée a ce jeune homme attachant entre tous les autres, aimable en sa gravité, à la fois calme et passionné, et qui n’aura pas rêvé en vain l’immortalité ; car le moraliste aura laissé une trace profonde, l’écrivain des pages durables, et l’homme un grand exemple de courage et de résignation. La gloire de Vauvenargues, c’est la plus touchante de toutes les gloires : c’est le respect tendre, c’est l’admiration recueillie, on est tenté de dire que c’est l’amitié des bons esprits et des bons cœurs.

D.-L. Gilbert.









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