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ET MAXIMES.

858.  Les passions nous séparent quelquefois de la societé, et nous rendent tout l’esprit qui est au monde aussi inutile que nous le devenons nous-mêmes aux plaisirs d’autrui[1].

859.  Le monde est rempli de ces hommes qui imposent aux autres par leur réputation ou leur fortune ; s’ils se laissent trop approcher, on passe tout à coup à leur égard de la curiosité jusqu’au mépris, comme on guérit quelquefois, en un moment, d’une femme qu’on a recherchée avec ardeur[1].

860.  On est encore bien éloigné de plaire, lorsqu’on n’a que de l’esprit[2].

861.  L’esprit ne nous garantit pas des sottises de notre humeur[2].

862.  Le désespoir est la plus grande de nos erreurs[3].

863.  La nécessité de mourir est la plus amère de nos afflictions[4].

864.  Si la vie n’avait point de fin, qui désespérerait de sa fortune ? La mort comble l’adversité[4].

865.  Combien les meilleurs conseils sont-ils peu utiles, si nos propres expériences nous instruisent si rarement[4] !

866.  Les conseils qu’on croit les plus sages sont les moins proportionnés à notre état[4].

867.  Nous avons des règles pour le théâtre qui passent peut-être les forces de l’esprit humain, et que les plus heureux génies n’exécutent que faiblement.

868.  Lorsqu’une pièce est faite pour être jouée, il est injuste de n’en juger que par la lecture[5].

869.  Il peut plaire à un traducteur[6] d’admirer jusqu’aux défauts de son original, et d’attribuer toutes ses sottises à la barbarie de son siècle. Lorsque je crois toujours apercevoir dans un auteur les mêmes

  1. a et b [Commun. — V.]
  2. a et b [Répété et faible — V.]
  3. [Trivial. — V.] — C’est-à-dire, en d’autres termes, qu’il n’y a point de mal sans remède, et que le suicide est un acte de folie. — F. — Il est douteux que Vauvenargues pense ici au suicide ; son idée est plus générale. — Rapprochez des Maximes 252e, 455e et 456e. — G.
  4. a, b, c et d [2 et 2 font 4. — V.]
  5. Var.: « Si une pièce est faite pour être jouée, il n’en faut pas juger par la lecture, mais par l’effet des représentations. »
  6. Il semble que dans cette remarque l’auteur a en vue M. et Madame Dacier, traducteurs d’Homère et d’autres anciens écrivains grecs et latins. C’est principalement Homère dont il paraît qu’il est ici question. Si cela est, Vauvenargues a eu raison de supprimer dans sa seconde édition un jugement qui ne fait pas honneur à son goût. — S. — Nous croyons que Vauvenargues veut parler de Shakespeare, et non pas d’Homère que, dans le Discours sur le Caractère des différents siècles, il défend précisément contre les reproches qu’il lui ferait ici. — G.