Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/14

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grand nombre voguent sur ses ondes ou paissent l’herbe sur sa marge humide et gazonnée.

« En tout, le paysage du domaine de Virgile était doux, d’une douceur un peu pâle et stagnante, de peu de caractère, peu propre à exciter de sublimes émotions ou à suggérer de vives images ; mais le poëte avait vécu de bonne heure au milieu des grandes scènes du Vésuve ; et, même alors, s’il étendait ses courses un peu au delà des limites de son domaine, il pouvait visiter, d’un côté, le cours grandiose du rapide et majestueux Éridan, ce roi des fleuves, et, de l’autre côté, le Bénaque, qui présente par moments l’image de l’Océan agité.

« Le lieu de la résidence de Virgile est bas et humide, et le climat en est froid à certaines saisons de l’année. Sa constitution délicate et les maux de poitrine dont il était affecté le déterminèrent, vers l’année 714 ou 715, vers l’âge de trente ans, à chercher un ciel plus chaud… »

Mais ceci tombe dans la conjecture. — Le plus voyageur des critiques, M. Ampère, a touché, comme il sait faire, le ton juste de ce même paysage et de la teinte morale qu’on se plaît à y répandre, dans un chapitre de son Voyage Dantesque :


« Tout est Virgilien à Mantoue, dit-il ; on y trouve la topographie virgilienne et la Place Virgilienne ; aimable lieu qui fut dédié au poëte de la cour d’Auguste par un décret de Napoléon.

« Dante a caractérisé le Mincio par une expression exacte et énergique, selon son habitude : « (Il ne court pas longtemps sans trouver une plaine basse dans laquelle il s’étend et qu’il emmarécage.)

Non molto ha corso che trova una lama
Nella qual si distende e la impaluda. »


Ce qui n’a pas la grâce de Virgile : « (…là où le large Mincio s’égare en de lents détours sinueux et voile ses rives d’une molle ceinture de roseaux.)

· · · · · Tardis ingens ubi flexibus errat
Mincius, et tenera prætexit arundine ripas. »

« La brièveté expressive et un peu sèche du poëte florentin, com-