Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/64

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salutaire ainsi doucement renoué. Il m’arrive à tout instant de parler d’Homère, de cet Homère qui mériterait d’avoir, comme Dante, un prêtre à part pour l’expliquer, pour le lire et le développer, pour le recommencer sans cesse en public quand on l’aurait fini, et duquel je ne parle ici qu’en balbutiant. Cette admiration que j’ai pour Homère, on la devine sans peine très-supérieure (ce n’est plus une hardiesse de le dire) à celle même que j’ai pour Virgile. Mais, le dirai-je aussi ? les qualités et les vertus poétiques d’Homère et de l’épopée homérique, on est assez en veine et en disposition de les goûter, de les célébrer aujourd’hui. Je craindrais plutôt, si on livrait sans préparation Homère à ceux qui s’attachent en tout à la forme plutôt qu’à l’esprit, qu’on n’en prît occasion d’un faux sublime, d’une naïveté prétentieuse de couleur, d’un naturel excessif, et qui n’est vrai qu’à sa place et à son âge du monde. On est trop porté de nos jours à outrer le caractère extérieur, sauf à ne pas être fidèle à l’esprit ; tandis qu’avec Virgile, dans la disposition littéraire présente, il n’y a nul danger et il n’y aurait que profit à s’en approcher et à y puiser les leçons indirectes et intimes qu’il nous donne. Oh ! qu’en ce moment nous irait bien le génie ou tout au moins le tempérament virgilien ! Ne rien outrer, ne rien affecter, plutôt rester un peu en deçà, ne point trop accuser la ligne ni le ton, voilà de quoi nous avons besoin d’être avertis. Jamais la littérature latine, étudiée dans sa période classique, dans sa nuance d’Auguste, avec ce qu’elle offre de digne, de grave, de précis, de noble et de sensé, n’a été plus nécessaire qu’aujourd’hui. Encore une fois, je ne veux pas médire de notre temps : il a de grands mérites, notamment une intelligence historique et critique plus étendue qu’on n’en a jamais eu, le sentiment des styles à toutes les époques, et des différentes manières ; mais la manière qui repose et qui ennoblit est celle encore à laquelle on devrait aimer, ce semble, à revenir après les courses en tous sens et les excès ou les fatigues. Rien n’est perdu de la délicatesse d’une âme si, quoi qu’elle