Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/131

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der, prirent le chemin escarpé conduisant à la porte de la tour. On les apercevait à mesure qu’ils avançaient dans cette direction ; quelquefois aussi ils disparaissaient, cachés par les parties saillantes de la colline et les arbres énormes qui la couvraient. Dès qu’ils sortirent de ce passage étroit, ils se trouvèrent vis-à-vis de la vieille tour, dont les portes hospitalières étaient ouvertes pour les recevoir. Lady Marguerite, sa nièce et son beau-frère, étaient descendus précipitamment de leur poste d’observation, afin de recevoir et de saluer leurs hôtes, avec un cortège de domestiques aussi bien disposé que le permettaient les orgies de la veille. Le galant capitaine, parent de Claverhouse, dont il portait aussi le nom, et que le lecteur connaît déjà, abaissa l’étendard au son des fanfares, pour rendre hommage au rang de lady Marguerite et aux charmes de sa petite-fille, et les vieux murs retentirent du bruit des instruments, et des hennissements des chevaux.

Claverhouse[1] lui-même descendit de son cheval noir, le plus beau peut-être de toute l’Écosse. Cet animal n’avait pas un seul crin blanc sur le corps, circonstance qui, jointe au feu et à la rapidité avec laquelle il poursuivait les presbytériens, avait fait croire à ces sectaires que ce coursier avait été offert à celui qui le montait par le grand ennemi du genre humain pour l’aider à les persécuter, et que ni le plomb ni le fer ne pouvaient le blesser. Quand Claverhouse eut présenté ses respects aux dames avec toute la politesse militaire, fait ses excuses de l’embarras qu’il causait à la famille de lady Marguerite, et reçu l’assurance que rien ne se trouvait dérangé dès l’instant où l’on avait le bonheur de posséder dans les murs de Tillietudlem un officier aussi distingué et un serviteur aussi loyal de Sa très-sainte Majesté ; enfin, quand on eut rempli toutes les formes de la civilité et de l’hospitalité, le colonel demanda la permission de recevoir le rapport qu’avait à lui faire le sergent Bothwell, et avec lequel il parla en particulier pendant quelques minutes. Le major Bellenden profita de ce moment pour dire à sa nièce, sans être entendu de sa grand’mère : « Combien vous êtes folle et légère, Édith ! vous m’envoyez par un exprès une lettre remplie de balivernes au sujet de robes

  1. Ce personnage remarquable unissait les qualités, incompatibles en apparence, du courage et de la cruauté ; une loyauté dévouée et désintéressée pour son prince, et un oubli total des droits de ses concitoyens. Il était l’agent du conseil privé d’Écosse, et en exécutait les rigueurs, sans scrupule et sans miséricorde, sous les règnes, de Charles II et de Jacques II. Mais il releva son caractère par le zèle avec lequel il défendit la cause du dernier monarque après la révolution, par le talent militaire qu’il déploya à la bataille de Killierankie, et enfin par sa mort dans les bras de la victoire.