Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/160

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tout le premier je ne la laisserais pas échapper. — Je suis bien aise de vous entendre parler ainsi, dit Cuddie ; je ne suis qu’un pauvre garçon sans esprit, mais je ne puis penser qu’il y aurait du mal à s’échapper par ruse ou par force si l’on trouvait moyen de le faire. Je ne craindrais pas de me battre s’il était nécessaire ; mais notre vieille lady appellerait cela résister à l’autorité royale. — Il n’y a pas d’autorité sur terre à laquelle je ne résistasse, dit Morton, lorsqu’elle envahit tyranniquement mes droits d’homme libre, protégés par la charte ; et je suis décidé à ne pas me laisser injustement traîner en prison ou sur l’échafaud, si je puis m’échapper de leurs mains par adresse ou par force. — Eh bien, c’est justement mon opinion, toujours en supposant que nous en trouvions la possibilité. Mais vous parlez d’une charte : ce sont de ces choses qui n’appartiennent qu’à des personnes semblables à vous, qui êtes un gentilhomme, et il est possible que je n’y aie pas de droits, moi qui ne suis qu’un mercenaire. — La charte dont je vous parle, dit Morton, est pour le moindre Écossais : c’est cet affranchissement des liens et de l’esclavage que réclamait l’apôtre saint Paul, ainsi que vous pouvez le voir dans l’Écriture sainte, et que tout homme né libre doit défendre pour l’amour de lui-même et pour l’amour de ses concitoyens. — Ah ! grand Dieu ! reprit Guddie, il se serait passé bien du temps avant que milady Marguerite ou ma mère eussent découvert dans la Bible une doctrine aussi sage ! La vieille dame disait toujours qu’il faut payer le tribut à César, et ma mère m’étourdissait de son whiggisme. Je me suis perdu tout en écoutant ces deux vieilles bavardes de femmes ; mais si je trouvais un gentilhomme qui voulût me prendre pour son domestique, je suis bien sûr que je deviendrais un tout autre homme ; et j’espère que Votre Honneur penserait à ce que je lui dis, si nous étions une fois hors de cette maison de servitude et que vous me prissiez pour votre valet de chambre. — Mon valet de chambre, Cuddie ? répondit Morton ; hélas, ce serait un triste poste quand même nous serions libres. — Je sais à quoi vous pensez… vous vous dites qu’ayant été élevé au cœur du pays, je vous causerais des disgrâces devant le monde ; mais il est bon que vous sachiez que je me connais aux belles manières ; il n’est rien de ce qu’on peut faire avec les mains que je n’aie appris facilement, excepté lire, écrire, calculer ; mais il n’y en a pas comme moi pour jouer au ballon, et je puis jouer du sabre tout aussi bien que le caporal Inglis. Je lui aurais déjà cassé la tête, s’il n’y avait pas