Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/230

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l’expression, à la fois élégante et tendre d’un amour de femme qui cherchait à calmer la jalousie d’un amant dont le caractère impétueux, soupçonneux et violent, excitait de douces plaintes. L’encre de ces lettres était effacée par le temps, et, malgré le grand soin qu’on avait pris pour les conserver, elles étaient devenues illisibles dans deux ou trois endroits.

« N’importe ! (ces mots étaient écrits sur l’enveloppe de celle qui avait le plus souffert) je les sais par cœur. »

À ces lettres était jointe une boucle de cheveux enveloppée dans une copie de vers, inspirés évidemment par un sentiment qui racheta aux yeux de Morton le peu d’élégance de la poésie et les concetti qui y abondaient, conformément au goût de l’époque.

Après avoir lu ces vers, Morton ne put s’empêcher de réfléchir, avec un sentiment de compassion, sur la destinée de cet être singulier et malheureux qui, voué à la misère et presque au mépris, semblait avoir eu l’esprit continuellement fixé sur le haut rang que sa naissance l’appelait à tenir, et qui, plongé dans la plus grossière licence, portait ses regards avec un remords bien amer, sur cette période de sa jeunesse où il nourrissait une passion vertueuse.

Hélas ! que sommes-nous, dit Morton, si nos meilleurs et nos plus louables sentiments peuvent ainsi s’avilir et se dépraver si un honorable orgueil se change en un mépris dédaigneux de l’opinion, et si les sollicitudes d’une douce affection habitent un cœur que la licence, la vengeance et la rapine ont choisi pour leur séjour ? Mais il en est de même partout : les principes généreux d’un homme dégénèrent en froideur et en insensibilité ; un autre, son zèle religieux le jette dans un fanatisme extravagant et féroce. Nos résolutions, nos passions, sont comme les vagues de la mer, et sans le secours de celui qui forma le cœur humain, nous ne pouvons dire aux flots qui l’agitent : Vous viendrez jusqu’ici, et vous n’irez pas plus loin. »

En moralisant ainsi, il leva les yeux, et vit Burley devant lui.

« Déjà debout ! lui dit ce dernier ; cela est bien, et prouve votre zèle à marcher dans la voie… Mais, quels sont ces papiers ? »

Morton lui raconta brièvement l’heureuse expédition de Cuddie, et lui remit le portefeuille de Bothwell, avec ce qu’il contenait. Le chef caméronien examina avec attention les papiers relatifs aux opérations militaires ou aux affaires publiques ; mais dès qu’il vit les vers, il les jeta loin de lui avec mépris.

« Lorsque, par la bénédiction du ciel, dit-il, je passai mon épée