Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/231

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au travers du corps de cet instrument de cruauté et de persécution, j’étais loin de penser qu’un homme si impétueux et si terrible se fût abaissé jusqu’à un art aussi frivole que profane. Mais je vois que Satan donne les qualités les plus diverses à ceux qu’il aime et qu’il choisit pour ses instruments, et que la même main qui peut manier une massue ou une arme meurtrière contre les élus dans la vallée de destruction, peut aussi pincer du luth ou de la guitare, pour charmer les oreilles des filles du péché dans leurs danses et leurs œuvres de vanité et de prostitution. — Ainsi vos idées de devoir, dit Morton, excluent l’amour des beaux-arts, qu’on croit généralement propres à purifier et élever l’âme ? — À mes yeux, jeune homme, répondit Burley, et aux yeux de tous ceux qui pensent comme moi, les plaisirs de ce monde, sous quelque nom qu’on les déguise, ne sont que vanité, comme sa grandeur et son pouvoir ne sont que des pièges. Nous n’avons qu’un but sur la terre, c’est d’élever le temple du Seigneur. — Mon père disait souvent, reprit Morton, que beaucoup de gens qui s’emparaient du pouvoir au nom du ciel l’exerçaient avec autant de rigueur et étaient aussi peu disposés à y renoncer que s’ils n’avaient été mus que par des motifs d’ambition mondaine. Mais laissons cela pour le moment… Êtes-vous parvenu à faire nommer un conseil ? — Oui, répondit Burley ; le nombre des membres est fixé à six ; vous en êtes un, et je viens vous chercher pour prendre part à la délibération. »

Morton le suivit jusqu’à une prairie isolée où leurs collègues les attendaient. Chacun des deux principaux partis qui divisaient l’armée avait eu soin d’envoyer dans cette assemblée trois membres pour le représenter. Du côté des caméroniens, étaient Burley, Macbriar et Kettledrummle ; et les modérés avaient choisi Poundtext, Henri Morton et un petit propriétaire appelé le laird de Langeale. Ainsi les deux partis avaient un nombre égal de représentants dans le conseil ; mais on pouvait prévoir que ceux qui professaient les opinions les plus violentes exerceraient, comme il arrive en pareil cas, le plus d’influence. Après avoir mûrement réfléchi sur leurs moyens, leur situation et l’accroissement probable de leurs forces, ils résolurent de garder leur position ce jour-là, afin de laisser reposer leurs soldats et de donner aux renforts le temps d’arriver ; le lendemain, au point du jour, ils marcheraient sur Tillietudlem, et sommeraient de se rendre cette forteresse de l’iniquité, comme ils l’appelaient. Si la place ne se ren-