Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/238

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en re… en reconnaissance, comme dit, je crois, M. Gudyill ; ils ont pénétré au milieu des rebelles, et ont raconté à leur retour qu’ils avaient vu le jeune Milnwood monté sur un des chevaux de dragons qui ont été pris à Loudon-Hill, armé d’un sabre et d’une paire de pistolets, entouré de ses nouveaux amis, leur serrant la main, enfin conduisant et commandant les soldats. Cuddie, qui le suivait, avait l’uniforme brodé du sergent Bothwell et un bonnet galonné avec une cocarde de rubans bleus, parce qu’il se bat pour le Covenant (il est vrai que Cuddie a toujours aimé les rubans bleus) ; il avait de plus une chemise à manchettes, ce qui lui va à merveille, en vérité ! — Jinny, » reprit vivement sa jeune maîtresse, « il est impossible que cette nouvelle soit vraie ; mon oncle n’en a rien entendu dire. — C’est que Tom Holliday, répondit la femme de chambre, est arrivé cinq minutes après lord Evandale ; et quand il a su que Sa Seigneurie était au château, le misérable impie a juré qu’il aimerait mieux aller au diable que de faire son… comment dit-il ?… ah ! son rapport au major Bellenden. Il voulait donc garder le silence jusqu’au réveil de lord Evandale, c’est-à-dire jusqu’au lendemain matin ; tout ce qu’il m’a dit, à moi (Jenny baissa ici un peu les yeux), c’était pour me tourmenter au sujet de Cuddie. — Folle que vous êtes ! » dit Édith en reprenant courage, « ce n’est donc qu’un conte que ce garçon vous a fait pour vous effrayer. — Non, madame, c’est impossible ; car John Gudyill a conduit au cellier l’autre dragon, qui est un vieux soldat fort laid, dont j’ignore le nom, et lui a donné un verre d’eau-de-vie pour le faire jaser ; et celui-ci a répété mot pour mot tout ce qu’avait dit Tom Holliday ; et M. Gudyill s’est mis dans une telle colère qu’il nous a déclaré que tout le mal venait de la sottise de milady, du major et de lord Evandale, qui ont demandé hier la grâce du jeune Milnwood et de Cuddie, tandis que si on les eût fusillés, le pays devenait à jamais tranquille ; et j’avoue que c’est tout à fait mon opinion. »

Jenny ajouta ce dernier commentaire à son histoire pour se venger de l’incrédulité absolue et obstinée de sa maîtresse. Elle fut cependant effrayée tout à coup de l’effet que ces nouvelles produisirent sur cette jeune dame, fort attachée aux principes et aux préjugés de la haute Église, dans lesquels elle avait été élevée. Sa figure devint pâle, et sa respiration si difficile qu’elle faillit perdre entièrement connaissance. Ses jambes étaient si incapables de la soutenir qu’elle tomba plutôt qu’elle ne s’assit sur