Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/287

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espoir qu’il retrouverait un jour son Calvin relié en parchemin, sa pipe du soir, son gobelet de bière inspiratrice, pourvu toutefois qu’il travaillât de tout son pouvoir à seconder les mesures que lui, Morton, avait prises pour une pacification générale[1]. Ainsi soutenu et encouragé, Poundtext se détermina à attendre l’arrivée des caméroniens au rendez-vous général.

Burley et ses confédérés avaient réuni un corps considérable de leurs partisans, qui ne se montait pas à moins de cent cavaliers et quinze cents fantassins, tous vêtus d’habits d’une couleur sombre ; acerbes et querelleurs dans la conversation, pleins de résolution et de confiance, comme des gens convaincus que la porte du salut était ouverte pour eux seuls, tandis qu’à leurs yeux le reste des chrétiens, quelque légère que fût la différence entre leur croyance et celle des caméroniens, n’étaient, ou peu s’en fallait, que des damnés et des réprouvés. Ces hommes entrèrent dans le camp des presbytériens plutôt comme des alliés douteux et soupçonneux ou des ennemis non encore déclarés, que comme des hommes entièrement attachés à la même cause et exposés aux mêmes dangers que leurs frères d’armes plus modérés. Burley n’alla point voir ses collègues ; il n’eut aucune communication avec eux ; ils reçurent seulement de lui une invitation de se rendre le soir à une séance du conseil général.

Morton et Poundtext, en arrivant au lieu indiqué pour la réunion, trouvèrent leurs collègues déjà assis. Ils échangèrent de

  1. L’auteur ne désire en aucune façon que Poundtext soit considéré comme le portrait fidèle des presbytériens modérés, parmi lesquels il ne manquait pas de ministres également recommandables par leur courage, leur bon sens, et la pureté de leurs principes religieux. S’il refaisait ce roman, l’auteur s’efforcerait probablement de donner à ce caractère plus d’élévation. Quoi qu’il en soit, il est certain que les caméroniens reprochaient à leurs adversaires, au sujet de l’indulgence et sur quelques autres points de leurs violentes et fantastiques doctrines, non-seulement de rechercher leur sûreté, mais même leurs plaisirs. Hamilton parle ainsi de trois ecclésiastiques de cette espèce :
    « Ils affectaient un grand zèle contre l’indulgence ; mais, hélas ! c’est à quoi se bornaient toutes leurs actions, car ils étaient grossièrement insouciants, ainsi que je l’indiquerai en peu de mots. Pendant que le grand Cameron et ses disciples enduraient le vent froid et l’orage dans les champs et parmi les chaumières d’Écosse, ces trois personnages résidaient la plupart du temps à Glasgow, où ils avaient de bons quartiers et une table bien garnie, que quelques dévots leur fournissaient sans doute par affection pour la cause du Seigneur. Quand ils étaient réunis tous trois, leur grande affaire était à qui dirait le meilleur conte, ou qui lancerait le meilleur brocard contre ses compagnons, de raconter les prouesses à venir, et de lutter à qui rirait le plus haut et de meilleur cœur. Quand par aventure ils allaient dans les campagnes, quelque importante affaire qui les occupât, ils n’oubliaient jamais d’emporter chacun un grand flacon d’eau-de-vie, ce dont étaient fort mécontentes certaines personnes, et particulièrement M. Cameron, M. Gargill et Henri Hall. »