Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/298

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afin qu’ils ne protégeassent pas l’ennemi s’il tentait de forcer ce passage. Morton conjura les soldats préposés à la garde de ce poste important d’être attentifs et sur leurs gardes, et leur promit un prompt et nombreux renfort. Il fit encore placer des vedettes de l’autre côté de la rivière pour surveiller les mouvements de l’ennemi, avec ordre de se replier sur la rive gauche aussitôt qu’il approcherait. Enfin, il les chargea d’avertir le conseil de tout ce qu’ils découvriraient. Les soldats, dans le moment du danger, sont toujours disposés à reconnaître la supériorité de leurs officiers : l’activité de Morton et son habileté lui gagnèrent la confiance de ses gens. Avec un renouvellement d’activité et d’espoir, ils se mirent à fortifier leur position conformément à ses instructions, et le saluèrent à son départ de trois bruyantes acclamations.

Morton s’avança alors au grand galop vers le gros de l’armée. Il fut surpris autant que consterné de la scène de tumulte et de confusion qu’elle offrait, dans un temps où le bon ordre et la concorde étaient si nécessaires. Au lieu d’être rangés en ordre de bataille et d’écouter les ordres de leurs officiers, les soldats, mêlés ensemble, formaient une masse confuse qui roulait et s’agitait comme les vagues de la mer. Mille bouches parlaient, ou plutôt vociféraient, et pas une oreille n’écoutait. Consterné de cette scène extraordinaire, Morton s’efforça de s’ouvrir un passage à travers la foule, afin d’apprendre et de faire cesser, s’il était possible, la cause d’un désordre si intempestif. Pendant qu’il est ainsi occupé, nous ferons connaître au lecteur ce que Henri ne découvrit qu’avec difficulté.

Les insurgés s’étaient disposés à tenir leur jour d’humiliation : cet usage, selon la coutume des puritains dans les premières guerres civiles, leur paraissait le meilleur moyen de surmonter les obstacles et de terminer toutes les discussions. On choisissait ordinairement pour cette solennité un jour ouvrable ; mais cette fois, pressé par le temps et par la proximité de l’ennemi, on fit choix du jour du sabbat. Une chaire provisoire, ou plutôt une espèce de tente, fut élevée au milieu du camp, et l’on convint qu’elle serait occupée d’abord par le révérend Pierre Poundtext, préférence qui lui était accordée comme étant le plus âgé des ecclésiastiques présents. Mais au moment où le digne théologien, d’un pas lent et mesuré, s’avançait vers la tribune préparée pour lui, il fut prévenu par l’apparition soudaine de Habakkuk Muck-