Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/301

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la folie et du désordre qui régnaient dans ce camp. Ce fut en ce moment que Morton arriva : l’armée était en proie à la plus affreuse confusion, et sur le point de se dissoudre. Son retour excita de bruyants applaudissements d’un côté, et de l’autre des imprécations non moins bruyantes.

« Que signifie un tel désordre dans un pareil moment ? » cria-t-il à Burley, qui, épuisé de ses vains efforts pour rétablir la subordination, se tenait appuyé sur son épée, et regardait avec désespoir cette scène de confusion.

« Il signifie, répliqua-t-il, que Dieu nous a livrés aux mains de nos ennemis. — Non, non, » répondit Morton d’une voix et d’un geste qui forcèrent ceux qui l’entouraient à l’écouter, « ce n’est pas Dieu qui nous abandonne, c’est nous qui l’abandonnons, et qui nous déshonorons nous-mêmes en souillant et en trahissant la cause de la liberté et de la religion. Écoutez-moi ! » s’écria-t-il en s’élançant sur la chaire que Mucklewrath épuisé de fatigue avait été forcé d’abandonner : « je vous apporte des propositions de paix ; mais l’ennemi y met pour condition que vous mettiez bas les armes. Si vous consentez à suivre mes avis, vous pouvez faire encore une honorable résistance. Mais le temps presse ; décidez-vous sur-le-champ. Qu’il ne soit pas dit que six mille Écossais n’ont eu ni le courage d’attendre l’ennemi de pied ferme et de le combattre, ni le bon esprit de faire la paix, ni même la prudence du lâche, qui sait à propos battre en retraite. Que signifient des querelles sur des points minutieux de discipline ecclésiastique, lorsque l’édifice entier est menacé d’une complète destruction ? Rappelez-vous, mes frères, que le dernier et le pire de tous les maux que Dieu envoya au peuple qu’il avait choisi, le dernier et le plus terrible châtiment de l’aveuglement et de la dureté du cœur de ce peuple, furent les dissensions sanglantes qui déchiraient la cité dans le temps même que l’ennemi se présentait à ses portes. »

Quelques-uns manifestèrent par des applaudissements, d’autres par des huées, l’impression que ce discours avait produite sur eux. Plusieurs s’écrièrent même : « À vos tentes, Israël ! »

Morton, qui voyait déjà les colonnes de l’ennemi apparaître sur la rive droite et se diriger vers le pont, éleva la voix autant qu’il lui fut possible ; et faisant un geste de la main : « Retenez vos clameurs insensées, s’écria-t-il ; voici l’ennemi. C’est de la défense du pont que dépend votre vie et l’espérance de faire triompher nos