Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/313

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sans ? — Paix ! » dit Macbriar un peu déconcerté ; » ce n’est pas à toi d’instruire les directeurs des consciences, ni d’interpréter les obligations du Covenant. Au surplus, tu as avoué assez de péchés et de criminelles trahisons pour attirer la défaite sur une armée, fût-elle aussi nombreuse que les grains de sable qui sont sur le bord de la mer ; et voici notre jugement : Nous ne sommes pas libres de ne pas t’ôter la vie, car la Providence t’a livré dans nos mains quand nous disions avec le pieux Josué : Pourquoi Israël a-t-il tourné le dos devant ses ennemis ? C’est alors que tu es arrivé au milieu de nous, comme envoyé par le Très-Haut, pour subir le châtiment que mérite celui qui a porté le désordre dans Israël. Écoute donc bien mes paroles : c’est aujourd’hui le sabbat, et notre main ne se lèvera pas sur toi pour répandre ton sang dans un tel jour ; mais quand minuit sonnera, ce sera ta dernière heure. Prépare-toi donc au dernier jugement, car le temps passe rapidement. Mes frères, saisissez le prisonnier et ôtez lui ses armes. »

Cet ordre fut donné si inopinément, et si promptement exécuté par ceux qui peu à peu s’étaient approchés de Morton et l’avaient environné, qu’il fut saisi, désarmé, et qu’on lui passa une sangle de cheval autour des bras avant qu’il pût faire aucune résistance. Il se fit alors un morne et profond silence ; les fanatiques se rangèrent autour d’une table de chêne, et placèrent au milieu d’eux Morton chargé de chaînes, en face de l’horloge qui mesurait le temps qui lui restait à vivre. On servit le souper sur la table, et ils en offrirent une part à leur prisonnier ; mais on croira sans peine qu’en ce moment il avait peu d’appétit. Le repas achevé, les puritains se remirent en prières. Macbriar, chez qui son fanatisme féroce n’étouffait peut-être pas tout sentiment d’humanité et de miséricorde, adressa une prière à la Divinité pour lui demander un témoignage visible que le sanglant sacrifice qui se préparait lui était agréable. Les yeux et les oreilles de ses auditeurs épiaient tout ce qui pouvait être interprété comme signe d’approbation, et de temps à autre leurs sombres regards se tournaient sur le cadran pour voir les progrès que faisait l’aiguille vers l’heure fixée pour l’exécution.

L’œil de Morton prenait souvent la même direction, et il réfléchissait tristement que sa vie ne se prolongerait pas au-delà du temps que l’aiguille mettrait à parcourir la petite partie du cadran avant d’arriver à l’heure fatale. Su confiance religieuse, l’iné-