Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/344

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— Maman, maman ! » s’écria la petite fille en courant vers la porte de la chaumière, « viens parler à ce monsieur ! »

La mère parut : c’était une jeune et belle paysanne, dont les traits, naturellement espiègles et malins, avaient reçu du mariage cet air grave et décent qui distingue particulièrement les villageoises écossaises. Elle portait dans un de ses bras un enfant encore au maillot, et de l’autre elle rabaissait son tablier auquel s’attachait un gros garçon de deux ans ; la fille aînée, que le voyageur avait vue la première, se plaça derrière sa mère aussitôt qu’elle parut, et de temps à autre elle faisait un pas en avant pour jeter sur lui un coup d’œil.

« Que souhaitez-vous, monsieur ? » dit cette femme avec un air de prévenance respectueuse, peu commun chez les personnes de sa condition, mais qui n’avait rien d’un empressement obséquieux.

Le voyageur la regarda un moment avec attention, et répondit : « Je vous prie de m’indiquer le chemin de Fairy-Knowe, et la demeure d’un nommé Cuthbert Headrigg. — C’est mon brave homme de mari, monsieur, » répondit la jeune femme avec un sourire gracieux ; voulez-vous descendre de cheval, monsieur, et entrer dans notre pauvre maison ? Cuddie, Cuddie (un bel enfant de quatre ans, aux cheveux blonds, parut à la porte de la maison), courez, mon petit homme, et dites à votre père qu’un monsieur le demande. Non, restez. Jenny, vous êtes plus raisonnable : allez chercher votre père, il est au parc des Quatre-Arcs. Ne voulez-vous pas descendre, monsieur, et vous reposer un instant dans notre maison ? Je vous prie d’accepter un morceau de pain et de fromage, ou un verre d’ale, en attendant que mon homme revienne ? C’est de bien bonne ale, en vérité, quoiqu’il ne m’appartienne pas de la vanter puisque je la brasse moi-même ; mais le travail des laboureurs est très-fatigant, et il leur faut quelque chose pour leur soutenir le cœur ; aussi j’ajoute toujours une bonne poignée de drèche. »

Pendant que l’étranger la remerciait de ses offres amicales, Cuddie, l’ancienne connaissance du lecteur, arriva en personne. Sa contenance offrait toujours le même mélange de simplicité apparente et de finesse qui caractérise ordinairement nos porteurs de souliers ferrés[1]. Il regarda l’étranger comme une personne qu’il n’avait jamais vue ; et, de même que sa fille et sa femme,

  1. C’est-à-dire les paysans. a. m.