Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/347

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lère lui ont tout à fait tourné l’esprit. — Et,… » dit l’étranger après une longue hésitation, « savez-vous quelque chose de lord Evandale ? — Si je sais quelque chose de lord Evandale ? Pourrait-il en être autrement ? N’y a-t-il pas là, dans cette maison, ma jeune maîtresse qui est mariée avec lui, ou peu s’en faut ? — Ils ne sont donc pas encore mariés ? » demanda vivement l’étranger. — Non ; mais ils sont fiancés. Moi et ma femme, nous avons été témoins : il n’y a pas bien long-temps de cela. C’est une affaire qui a beaucoup traîné. Peu de gens savent pourquoi, excepté moi et Jenny. Mais ne voulez-vous pas descendre de cheval ? Je ne puis vous voir ainsi demeurer sur la selle, d’autant plus que voilà les nuages qui s’épaississent vers le couchant, du côté de Glasgow ; et c’est, dit-on, signe de pluie. »

En effet, un gros nuage noir avait caché le soleil couchant ; il tombait quelques larges gouttes de pluie, et le tonnerre grondait dans l’éloignement.

« Cet homme a le diable au corps, » se dit Cuddie en lui-même ; « je voudrais qu’il descendît de cheval, ou qu’il se mît à galoper vers Hamilton ; afin d’y arriver avant que l’orage éclate. »

Mais, après sa dernière question, le cavalier demeura deux ou trois minutes immobile, comme épuisé par un pénible effort ; enfin, revenant à lui tout à coup, il demanda à Cuddie si lady Marguerite Bellenden vivait encore.

« Oui, répliqua ce dernier ; mais elle vit bien tristement. C’est une maison qui a bien changé depuis le commencement des troubles. Ils ont beaucoup souffert alors, et ils souffrent beaucoup encore. Quel malheur d’avoir perdu le vieux château, et la baronnie, et les champs que j’ai labourés tant de fois, et mon petit potager que l’on m’aurait rendu ! et tout cela sans qu’on puisse dire pourquoi, sinon qu’ils n’ont pu retrouver quelques morceaux de parchemin qui furent perdus au milieu de la confusion qui suivit la prise du château de Tillietudlem. — J’ai entendu parler de ces événements, » dit l’étranger baissant la voix et détournant la tête ; « je m’intéresse à cette famille, et je voudrais la servir si cela dépendait de moi. Pourriez-vous me donner un lit pour cette nuit, mon ami ? — Nous n’avons pas beaucoup de place, monsieur, répliqua Cuddie ; mais nous ferons notre possible pour ne pas vous laisser continuer votre route pendant la pluie et l’orage ; car, à vous parler franchement, vous ne me paraissez pas très-bien portant. — Je suis sujet à des étourdisse-