Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/354

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cet appartement et la chambre dans laquelle avait couché son hôte. — « Alors, nous irons dans la chambre rouge, » dit miss Bellenden ; et elle se dirigea vers la maison, mais par un chemin différent de celui par lequel Morton y avait été conduit. — Tout va se découvrir, pensa Jenny, à moins que je ne parvienne à le faire sortir secrètement.

En parlant ainsi, elle faisait le tour de la maison, en proie à l’inquiétude et à l’irrésolution la plus pénible.

« J’aurais mieux fait, pensa-t-elle encore, de leur dire qu’il y avait un étranger dans la maison. Mais elles l’auraient peut-être invité à déjeuner ! Que le ciel nous protège ! que faire ? Ne voilà-t-il pas aussi Gudyill qui se promène dans le jardin ? » se dit-elle tout bas en approchant de la porte. « Je n’ose entrer dans le petit sentier qui passe là derrière, avant qu’il en soit sorti… Mon Dieu ! mon Dieu ! qu’allons-nous devenir ? »

Dans cet état de perplexité, elle s’approcha du ci-devant sommelier, dans l’intention de l’attirer hors du jardin. Mais John Gudyill, en perdant son ancien emploi et en avançant en âge, n’avait pas changé de caractère. Comme beaucoup de gens d’une humeur chagrine, il semblait avoir un don particulier pour deviner ce qui pouvait contrarier ceux avec qui il s’entretenait. Dans cette occasion, tous les efforts de Jenny pour l’éloigner du jardin servirent seulement à lui faire prendre racine parmi les plantes qui l’ornaient. Par malheur encore, depuis sa résidence à Fairy-Knowe, il était devenu amateur du jardinage ; et laissant tous les autres soins domestiques aux gens de lady Hamilton, sa seule occupation était de cultiver les fleurs qu’il avait prises sous sa protection spéciale. En ce moment il arrosait, bêchait, mettait des tuteurs, faisant des dissertations sur le mérite de chacune d’elles, tandis que la pauvre Jenny se tenait à côté de lui, tremblante et mourant d’inquiétude, de peur et d’impatience.

Le destin, dans cette fatale matinée, avait résolu de la persécuter. Les dames, à peine entrées dans la maison, remarquèrent que la porte du petit parloir, que Jenny aurait voulu leur interdire parce qu’il était contigu à la chambre où se trouvait Morton, non seulement n’était pas fermée à clef, mais même qu’elle était à demi ouverte. Miss Bellenden était trop occupée de ses réflexions personnelles pour remarquer cette circonstance ; mais ayant donné l’ordre au domestique d’ouvrir les volets, elle entra dans cette pièce avec son amie.