Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/357

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ont survécu, osera faire ce pas décisif, s’il n’y est encouragé par le soulèvement des troupes ? Si je retarde, le zèle des soldats se refroidira. Je dois les presser de se déclarer sur-le-champ, maintenant que leur cœur est échauffé par la récente victoire de leur ancien chef, et qu’ils brûlent de venger sa mort prématurée. — Et vous voulez, sur la foi d’hommes dont vous avez vous-même éprouvé l’inconstance, dit Édith, vous engager dans une affaire si dangereuse ? — Je le veux, répondit lord Evandale, et je le dois : mon honneur et ma loyauté y sont engagés. — Et tout cela, continua miss Bellenden, pour un prince dont la conduite, tant qu’il fut sur le trône, n’eut pas de plus sévère censeur que lord Evandale ! — Il est vrai, répondit lord Evandale : lorsqu’il était tout-puissant, je blâmais, en citoyen libre, ses innovations dans l’Église et dans l’État ; maintenant qu’il est dans l’adversité, sujet loyal, je combattrai pour ses droits légitimes. Que les courtisans et les hypocrites flattent la puissance et délaissent l’infortune ; moi, je ne ferai ni l’un ni l’autre. — Et si vous êtes déterminé à une démarche que mon faible jugement condamne comme téméraire, pourquoi, dans un moment si peu opportun, avez-vous pris la peine de me demander ce rendez-vous ? — J’ai souhaité, dit lord Evandale, avant de m’aventurer dans les combats, dire adieu à ma fiancée. Assurément, me demander les motifs d’une action si naturelle, c’est me supposer une grande indifférence et en montrer non moins de votre côté. — Mais pourquoi avoir choisi cet endroit, milord ? dit Édith, et pourquoi tant de mystère ? — Parce que, » répliqua-t-il en lui présentant une lettre, « j’ai encore à vous adresser une autre demande que je n’ose expliquer, même lorsqu’elle aura été appuyée près de vous par cette recommandation. »

Édith, saisie d’effroi, se hâta de jeter les yeux sur ce papier ; elle reconnut la main de son aïeule, et y lut ce qui suit :

« Ma chère enfant, je n’ai jamais été plus contrariée du rhumatisme qui m’empêche de monter à cheval, qu’au moment où je vous écris ; car j’éprouve le plus vif désir d’être où sera bientôt cette lettre, c’est-à-dire à Fairy-Knowe, auprès de l’unique enfant de mon pauvre et cher Willie. Mais c’est la volonté de Dieu que je sois retenue loin de vous : je n’en puis douter, à la douleur que me cause mon rhumatisme, qui n’a cédé ni aux cataplasmes de camomille ni aux décoctions de moutarde à l’aide desquels j’ai tant de fois guéri les rhumatismes des autres. Je suis donc réduite