Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/372

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gager dans une périlleuse entreprise, quoiqu’il ait tellement baissé la voix que je n’ai pu bien comprendre ce dont il s’agit. N’ai-je pas quelque moyen de leur être utile, de veiller à leur sûreté ? »

Pendant qu’il réfléchissait ainsi, en s’efforçant de détourner son attention de ses propres chagrins, et de la fixer tout entière sur les intérêts d’Édith et de son futur époux, la lettre de Burley, long-temps oubliée, se représenta subitement à sa mémoire, comme un trait de lumière au milieu de l’obscurité.

« Leur ruine est sans doute son ouvrage, » se dit-il en lui-même. Si elle peut être réparée, ce doit être par son moyen ou à l’aide d’informations obtenues de lui ; je le chercherai. Sombre, rusé et fanatique comme il est, plus d’une fois la franchise de mon caractère et la pureté de mes intentions ont exercé de l’influence sur lui. Oui, je le chercherai. Peut-être me communiquera-t-il d’utiles renseignements relatifs à la fortune de ceux que je ne dois plus voir, et qui probablement n’apprendront jamais qu’en ce moment j’oublie mes propres chagrins pour travailler à leur bonheur. »

Animé par ces espérances, dont le fondement était pourtant bien fragile, il prit le plus court chemin pour gagner la grande route. Tous les détours de cette vallée lui étaient connus, car il y avait chassé mille fois dans sa jeunesse ; aussi n’eut-il d’autre obstacle à surmonter que deux ou trois clôtures, et il se trouva sur le chemin qui conduisait au petit bourg où avait eu lieu la fête du perroquet. Il marchait triste et abattu ; mais il n’éprouvait plus le désespoir et la profonde affliction à laquelle il était en proie naguère ; car les résolutions vertueuses et le courageux sacrifice de nos propres intérêts, s’ils ne nous procurent pas le bonheur, manquent rarement de nous rendre la tranquillité. Il ne s’occupa plus que des moyens de trouver Burley et d’obtenir de lui des renseignements profitables à ceux auxquels il s’intéressait. Après y avoir long-temps réfléchi, il résolut de se conduire d’après les circonstances s’il parvenait à le découvrir. Il avait la confiance que la scission qui, au rapport de Cuddie, existait entre Burley et ses frères de la secte presbytérienne, le rendrait peut-être moins défavorable à la famille Bellenden, et le porterait à faire un meilleur usage du pouvoir qu’il disait avoir sur leur destinée.

Il était plus de midi quand notre voyageur se trouva près de Milnwood, résidence de feu son oncle. Milnwood s’élevait au milieu de mille touffes d’arbres, de mille bosquets dont chacun rappelait à Morton un souvenir agréable ou pénible. À cette vue,