Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/376

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m’a fait verser bien des larmes. Son oncle, le pauvre cher homme, est mort en prononçant son nom. Il venait de me donner des instructions sur la quantité de pain, de vin et de bière qu’il faudrait pour le repas donné à ceux qui assisteraient à ses funérailles, car, mort ou vivant, c’était un homme prudent, économe, et veillant à tout ; et puis il me dit : Ailie (il m’appelait Ailie tout court, nous étions de si vieilles connaissances !), Ailie, prenez bien soin de la maison, car le nom de Morton de Milnwood est oublié comme le dernier refrain d’une vieille chanson. Il ne dit plus une parole, si ce n’est qu’un moment avant de rendre l’âme il me dit qu’une chandelle à la baguette était bien assez bonne pour éclairer un agonisant ; il ne pouvait souffrir qu’on usât de la chandelle moulée, et, par malheur, il y en avait une qui brûlait sur la table. »

Pendant que mistress Wilson faisait une relation détaillée des derniers moments du vieil avare, Morton était tout occupé du soin d’échapper à l’inquiète curiosité de son épagneul, qui, revenu de sa première surprise, et rappelant ses anciens souvenirs, après avoir bien flairé et bien examiné, s’était mis à japer et à gambader autour de l’étranger, de manière à lui prouver qu’il le reconnaissait. Morton ne put s’empêcher de s’écrier avec impatience : « À bas, Elphin ! à bas, monsieur. — Vous savez le nom de notre chien ! » dit mistress Alison toute surprise. « Vous savez le nom de notre chien ! il n’est pourtant pas commun. Mais la petite bête vous connaît aussi, » continua-t-elle d’une voix plus agitée et plus perçante… « grand Dieu ! c’est mon cher enfant ! »

À ces mots, la bonne vieille se jeta au cou de Morton, le serra dans ses bras, le couvrit de baisers, comme s’il eût été son fils, et se mit à pleurer de joie. Henri ne se sentit plus le courage ni l’intention de garder l’incognito ; il lui rendit ses embrassements avec la plus vive reconnaissance, et lui répondit :

« Oui, ma chère Ailie, je vis encore pour vous remercier de votre fidèle attachement et pour me réjouir de rencontrer dans mon pays natal au moins une amie qui m’y accueille avec affection. — Des amis ! s’écria Ailie, vous aurez beaucoup d’amis… oui, vous en aurez beaucoup ; car vous serez riche, mon enfant… vous serez riche. Plaise au ciel que vous fassiez un bon usage de votre richesse ! Mais, Seigneur ! » continua-t-elle en le poussant en arrière de sa main tremblante et ridée, comme pour le placer à une distance d’où elle pût le considérer plus à l’aise : « Que vous êtes