Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/381

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vieillesse la plus reculée. Le repas fut assaisonné des souvenirs du vieux temps et des projets qu’Ailie avait déjà formés pour l’avenir : son jeune maître prenait toutes les bonnes habitudes de son vieil oncle, tandis qu’elle remplissait, toujours avec le même zèle et la même adresse, ses fonctions de femme de charge. Morton laissa la bonne vieille s’abandonner à son imagination, et remit à un autre moment pour lui annoncer sa résolution de retourner sur le continent et d’y terminer ses jours.

Son premier soin fut de quitter son uniforme, pensant qu’il lui serait plus difficile, sous ce costume, de rencontrer Burley ; il l’échangea contre un pourpoint et un manteau gris qu’il portait d’ordinaire à Milnwood, et que mistress Wilson tira d’un coffre en noyer où elle avait eu soin de les serrer, sans oublier toutefois de les mettre à l’air et de les brosser de temps en temps. Morton garda son épée et ses pistolets, précaution sans laquelle on se mettait rarement en route dans ces temps de trouble. Quand il reparut sous son nouveau costume devant mistress Wilson, elle s’écria avec ravissement qu’il lui allait encore fort bien, et que, quoiqu’il n’eût pas engraissé, il avait l’air plus mâle que lorsqu’il avait quitté Milnwood. Puis elle s’étendit sur les avantages qu’on trouvait à garder les vieux habits pour en faire des neufs ; elle était fort avancée dans l’histoire d’un manteau de velours appartenant au dernier Milnwood, qui était d’abord devenu un pourpoint, puis une paire de culottes, paraissant à chaque fois aussi bon que si c’eût été du neuf, quand Morton l’interrompit dans le récit de ces métamorphoses, pour la prier de lui souhaiter un bon voyage.

Ce fut pour mistress Wilson un coup affreux.

« Et où allez-vous ?… et qu’avez-vous à faire ?… et pourquoi ne pas vous tenir tranquillement dans votre propre maison, après en avoir été absent pendant tant d’années ? — Je voudrais ne point vous quitter. Ailie, mais j’y suis forcé. C’est pour cette raison que je voulais ne pas me faire reconnaître de vous : je me doutais bien que vous ne me laisseriez pas aller si facilement. — Mais, encore une fois, où allez-vous ? dit Ailie ; cela ne s’est jamais vu ! arriver, et repartir à l’instant avec la rapidité de l’éclair ! — Il faut que j’aille à l’auberge de Niel Blane, le joueur de cornemuse ; il me donnera un lit, je pense ? — Un lit ?… oui certainement, et il saura aussi vous en demander le prix. Il faut, mon enfant, que vous ayez perdu votre bon sens en pays étranger, pour aller