Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/392

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portée de l’entendre ; puis elle reprit : « Vous savez combien il a travaillé pour le Covenant, aujourd’hui délaissé, violé, trahi par l’endurcissement et par l’égoïsme de cette ignoble engeance. Puis, quand il passa en Hollande, au lieu de l’appui et des remercîments des compagnons de sa noble infortune, au lieu des secours et de l’amitié des gens pieux, qu’il était en droit d’espérer, le prince d’Orange lui refusa sa faveur, les ministres lui refusèrent la sainte communion : tout cela était bien dur à supporter pour celui qui avait tant souffert et tant fait… trop fait peut-être… mais m’appartient-il de le juger ? Il revint donc près de moi, et rentra dans son ancien lieu de refuge qui l’avait si souvent protégé, et surtout deux jours avant la brillante victoire de Drumclog ; car je n’oublierai jamais qu’il se disposait à y venir encore le soir du jour où le jeune Milnwood fut reconnu capitaine du perroquet ; mais je l’avertis de n’y pas aller en ce moment. — Quoi ! s’écria Morton ; était-ce vous qui, couverte d’un manteau rouge, étiez assise au bord du chemin, et qui lui dites qu’un lion était dans le sentier de la montagne ? — Au nom du ciel ! qui êtes-vous ? » demanda la vielle femme étonnée et interrompant le fil de son récit. « Mais qui que vous soyez, » continua-t-elle en reprenant son calme, « vous ne pouvez me faire un crime d’avoir voulu sauver la vie d’un ami comme celle d’un ennemi. — Vous faire un crime de cette action, mistress Maclure ! je n’y pense même pas… J’ai seulement voulu vous montrer que je connais assez bien les affaires du personnage dont il s’agit, pour que vous puissiez sans crainte m’apprendre ce que je désire savoir. Je vous prie de continuer. — Il y a dans votre voix un certain ton d’autorité, et pourtant elle a une douceur irrésistible. Je n’ai presque plus rien à vous dire. Les Stuarts ont été détrônés : Guillaume et Marie règnent à leur place ; mais pas un mot du Covenant, non plus que s’il n’eût jamais existé. Ils ont accueilli à bras ouverts et la joie dans le cœur une assemblée érastienne, composée de déserteurs de la sainte cause, aujourd’hui perdue, de l’Église d’Écosse. Nos fidèles champions, qui ont porté témoignage, sont encore plus malheureux qu’aux jours de persécution, de tyrannie et d’apostasie déclarées ; car les âmes sont endurcies ; la multitude affamée de la parole divine n’est plus nourrie que de vains discours ; et plus d’un de nos malheureux frères, accablé de faim et de soif, après avoir attendu toute l’après-midi quelque nourriture solide qui l’excite à la grande œuvre, reçoit à peine un mot de sèche