Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/112

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chasseurs, qui dépècera l’animal, doit auparavant boire à la santé de milady un bon et grand gobelet de bière, ou un verre d’eau-de-vie ; car s’il le dépèce sans boire, la venaison ne se conservera point. »

Ce conseil très-agréable fut, comme on peut bien le croire, reçu et suivi par le veneur, qui, en revanche, présenta à Bucklaw le couteau qui avait été refusé par la jeune dame, et celle-ci joignit ses instances à celles de son serviteur.

« Je pense, monsieur, » dit-elle en s’éloignant du cercle, « que mon père, pour l’amusement de qui lord Littlebrain a fait sortir aujourd’hui sa meute, s’en rapportera volontiers, pour de semblables usages, à un homme qui a autant d’expérience que vous. »

Alors, lui faisant une inclination gracieuse, elle lui souhaita le bonjour, et se retira suivie d’un ou deux domestiques qui paraissaient être immédiatement attachés à son service. Bucklaw, trop enchanté de trouver l’occasion de déployer ses talents en vénerie, pour s’occuper ni d’homme ni de femme, n’y fit que fort peu d’attention. Il se débarrassa bientôt de son habit, retroussa ses manches et enfonça ses bras, nus jusqu’au coude, dans le sang et la graisse, coupant, taillant et dépeçant, avec la précision de sir Tristrem lui-même ; disputant et argumentant avec tous ceux qui étaient autour de lui, sur les nombles, les buchets, les flancards, les daintiers, termes usités dans l’art de la vénerie ou de la boucherie, comme le lecteur voudra l’appeler, et qui probablement sont maintenant surannés.

Lorsque Ravenswood, qui avait suivi d’assez près son ami, vit que le cerf avait succombé, son ardeur momentanée pour la chasse fit place à ce sentiment de répugnance qu’il éprouvait à rencontrer, dans son état de décadence, les regards de ses égaux ou de ses inférieurs. Il monta à cheval sur le sommet d’une petite éminence, d’où il observa la scène bruyante et animée qui se passait au-dessous de lui, et entendit les cris des chasseurs mêlés aux aboiements des chiens, au hennissement et au piétinement des chevaux. Mais ces sons joyeux, en frappant l’oreille du gentilhomme ruiné, remplissaient son cœur de tristesse. La chasse et tous ses agréments ont toujours, depuis les temps féodaux, été regardés comme un privilège presque exclusif de l’aristocratie, et c’était autrefois la principale occupation des grands en temps de paix. Lorsqu’il songeait qu’il était privé par sa position de goûter le champêtre divertissement, privilège spécial de son rang ; que