Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/114

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de lui de cette manière. Il tourna également son cheval et avança dans la même direction, si près de Ravenswood, que celui-ci, à moins que de le dépasser, ce que la civilité, l’étiquette du temps et le respect dû à l’âge de l’étranger, qui venait de lui faire une politesse, ne lui permettaient pas, ne pouvait facilement échapper à sa société.

L’étranger ne resta pas long-temps silencieux. « Voici donc l’ancien château de Wolf’s-Crag, dont il est souvent fait mention dans les annales écossaises, » dit-il en regardant la vieille tour, qui dérobait aux regards une nuée orageuse, composant le fond du tableau ; car à la distance de moins d’un mille, le cerf ayant fait un détour, avait ramené les chasseurs à peu près au même point où ils étaient parvenus lorsque Ravenswood et Bucklaw étaient partis pour se joindre à eux.

Ravenswood répondit à cette observation par un assentiment froid et réservé.

« C était à ce que j’ai ouï dire, » continua l’étranger que ne décourageait nullement sa froideur, « une des plus anciennes propriétés de l’honorable famille de Ravenswood. — La plus ancienne, répondit le Maître, et probablement la dernière. — Je… je… j’espère que non, monsieur, » dit l’étranger, toussant à plusieurs reprises pour s’éclaircir la voix, et faisant effort pour surmonter une sorte d’hésitation : « l’Écosse sait ce qu’elle doit à cette ancienne famille et n’a pas oublié ses exploits nombreux et honorables. Je ne doute pas que si l’on représentait d’une manière convenable à Sa Majesté qu’une famille aussi noble est exposée à la dilapidation…, je veux dire à la décadence, on ne pût découvrir les moyens ad reœdificandam antiquam domum[1]. — Je veux vous épargner la peine, monsieur, de prolonger cette discussion, dit le maître avec hauteur. Je suis l’héritier de cette maison infortunée ; je suis le Maître de Ravenswood ; et vous, monsieur, qui paraissez d’une naissance et d’une éducation distinguées, vous devez sentir que, s’il est quelque chose de plus pénible que le malheur, c’est la mortification de se voir l’objet d’une pitié qu’on n’invoque point. — Je vous demande pardon, monsieur, dit le vieillard ; je ne savais pas… Je sens que je n’aurais pas dû faire mention… rien n’était plus loin de ma pensée que de supposer… — Il n’est pas besoin d’excuses, monsieur, répondit Ravenswood ; car je pense que nous devons ici nous sépa-

  1. De réparer l’ancienne maison. a. m.