Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/115

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rer, et je vous assure que je vous quitte sans conserver le moindre ressentiment. »

En disant ces mots, il dirigea la tête de son cheval vers une chaussée étroite par laquelle on approchait autrefois de Wolf’s-Crag, à laquelle on aurait réellement pu appliquer ces vers du chantre de l’Espérance :


« Il était peu foulé, le sentier de gazon
Où marchaient le guerrier et le chasseur rapide,
Jusqu’au pied du riant vallon
Qui borde la plaine liquide. »


Mais avant qu’il pût se débarrasser de son compagnon, la jeune dame dont nous avons parlé arriva près de l’étranger, suivie de ses domestiques.

« Ma fille, » dit-il à la dame masquée, « voici le Maître de Ravenswood. »

Il était naturel que celui-ci répondît à cette politesse par quelque civilité ; mais les manières gracieuses, la réserve modeste de la jeune dame, firent une telle impression sur lui, que non seulement il ne songea pas à demander à qui, et par qui il était ainsi présenté, mais même qu’il resta complètement muet. En ce moment, le nuage qui, depuis long-temps, s’abaissait sur l’éminence où était situé le château de Wolf’s-Crag, à mesure qu’il s’avançait se déployait en groupes plus sombres et plus épais ; il interceptait la vue des objets éloignés et enveloppait dans les ténèbres ceux qui étaient plus rapprochés. La couleur de la mer était plombée ; la teinte de la bruyère était noirâtre. Le tonnerre s’annonça dans le lointain par deux ou trois coups. Deux éclairs, se succédant presque sans intervalle, firent voir au loin les tourelles grisâtres de Wolf’s-Crag ; et, plus près, les vagues agitées de la mer, qui brillaient d’une lueur pourprée et éblouissante.

Le cheval de la belle chasseresse se montra indocile à la main qui le dirigeait, et Ravenswood connaissait trop les devoirs de l’humanité et de l’honneur pour abandonner la jeune dame aux soins d’un vieillard et à ceux de ses domestiques. Il fut donc, ou du moins il se crut obligé par les lois de la courtoisie à saisir la bride de son cheval et à l’aider à le gouverner. Pendant ce temps, l’étranger fit remarquer que l’orage semblait augmenter ; qu’ils étaient éloignés du château de lord Littlebrain, chez qui ils étaient en visite, et qu’il aurait beaucoup d’obligation au Maître de Ravenswood s’il voulait lui indiquer l’endroit le plus proche