Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/120

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tendre ou à reconnaître aucune distinction. Il s’en tint à ce qu’il leur avait dit dès le principe, avec cette opiniâtreté brutale, mais commode, qui, indocile à toute conviction, n’écoute aucun raisonnement. Bucklaw se détachant de l’arrière-garde, s’approcha de la porte, et d’un ton courroucé demanda à être admis ; mais Caleb resta inébranlable.

« Le roi, sur son trône, serait à la porte, dit-il, que mes dix doigts ne l’ouvriraient point, au mépris des règles et des usages de la famille de Ravenswood, et de mon devoir comme principal serviteur. »

Bucklaw fut extrêmement irrité, et, avec des jurements et des malédictions que nous ne voulons point rapporter, déclara que c’était un traitement indigne, et qu’il voulait absolument parler au Maître de Ravenswood lui-même. Mais Caleb fit également la sourde oreille.

« Il s’enflamme promptement notre jeune homme, dit-il ; mais il peut être certain qu’il ne verra point la face de mon maître avant d’avoir dormi et de s’être réveillé. Il sera plus sensé demain matin. Il lui convient bien d’amener ici une bande de chasseurs altérés, lorsqu’il sait qu’il y a à peine de quoi étancher la soif, » et il quitta le guichet, les abandonnant au mécontentement que pouvait leur causer cette mauvaise réception.

Mais il y avait une personne, de la présence de laquelle Caleb, dans le feu de la contestation, ne s’était pas aperçu, et qui avait tout écouté sans rien dire. C’était le principal domestique de l’étranger, homme de confiance, personnage important, le même qui y pendant la chasse, avait prêté son cheval à Bucklaw. Il était dans l’écurie lorsque Caleb avait, au moyen de sa ruse, fait sortir les autres laquais ; sans cette circonstance, malgré toute son importance personnelle, il aurait bien certainement partagé le même sort.

Celui-ci s’aperçut du manège de Caleb et en apprécia le motif ; et connaissant les intentions de son maître à l’égard de la famille de Ravenswood, il n’eut pas de peine à se tracer la marche qu’il devait suivre. Dès que Caleb se fut retiré, il se présenta au guichet et dit aux domestiques, « que c’était le bon plaisir de son maître que ses gens, ainsi que ceux de lord Littlebrain se rendissent à l’auberge voisine, et se procurassent les rafraîchissements nécessaires, dont il aurait soin de payer tous les frais. »

La joyeuse troupe des chasseurs s’éloigna de la porte hospitalière de Wolf’s-Crag, maudissant, à mesure qu’ils descendaient la colline, l’esprit de mesquinerie et la conduite indigne du pro-