Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/145

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« Il n’en laisse pas échapper un sou, répondit Marion ; mais il habille sa femme fort proprement, comme vous voyez ; elle n’a pas beaucoup à se plaindre, et, pour une qui sera mieux, vous en trouverez dix qui seront pis. — Ah ! ma bonne Marion ! » dit Caleb déconcerté mais non complètement abattu, « ce n’est pas de cette manière que vous gouverniez votre mari ; mais enfin, chacun a la sienne. Allons, il faut que je parte. Je voulais seulement informer votre mari que j’ai entendu dire là-haut que Pierre Puncheon[1], qui était tonnelier du magasin de la reine, au grand chantier de Leith[2], est mort, et que je pense qu’un mot de la part de Milord au lord Keeper pourrait être utile à Gilbert ; mais puisqu’il n’est pas ici… — Oh ! il faut que vous restiez jusqu’à ce qu’il revienne, répliqua-t-elle ; j’ai toujours dit que vous lui vouliez du bien ; mais il se fâche au moindre mot. — Eh bien ! ajouta Caleb, j’attendrai jusqu’à la dernière minute que je pourrai vous donner. — Ainsi donc, monsieur Balderstone, dit la jeune et charmante épouse de Girder, vous pensez que miss Ashton est jolie ; et vraiment c’est ce qu’elle doit être pour prétendre à un jeune lord qui a une figure ! une main ! un maintien à cheval ; tels qu’on le prendrait pour le fils d’un roi. Savez-vous, monsieur Balderstone, qu’il regarde toujours à ma fenêtre, toutes les fois qu’il se promène dans le village ? ainsi vous jugez si je dois le connaître. — Je sais parfaitement cela, répondit Caleb ; car j’ai entendu dire à Sa Seigneurie que la femme du tonnelier avait les yeux les plus noirs de toute la baronnie. Je le crois bien, ai-je dit, milord ; ce sont les yeux de sa mère, et j’ai appris à les connaître à mes dépens, n’est-ce pas Marion ? ha, ha, ha ! Ah ! c’était le bon temps ? — Allons taisez-vous, vieux libertin, dit la vieille ; parler ainsi devant de jeunes personnes ! Mais, Jeanne, en bien ! que fais-tu donc là ? n’entends-tu pas l’enfant crier ? je suis sûre que c’est une fièvre sèche qui le tourmente. » Et vite la mère et la grand’mère se levèrent et coururent, en se coudoyant, à une chambre écartée où le jeune héros de la soirée était couché. Dès que Caleb vit le champ libre, il prit une bonne prise de tabac, pour stimuler son courage et s’affermir dans sa résolution.

« Que je meure, pensa-t-il, si Bide-the-Bent ou Girder touchent à rien de ce qui est enfilé dans cette broche ! » Puis s’adressant

  1. Mit qui veut dire tonneau ou barrique. a. m.
  2. Port d’Édimbourg, sur le golfe de Forth. a. m.