Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/228

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mon erreur, et j’avoue que je mérite le désappointement que vous me prépariez. — Ma chère lady Ashton, ma chère Éléonore, écoutez un instant la raison, et vous ne tarderez pas à être convaincue que j’ai agi avec tous les égards dus à la dignité aussi bien qu’aux intérêts de ma famille. — Oh ! je vous crois toute la capacité nécessaire pour veiller aux intérêts, à la dignité même de votre famille, » répondit-elle d’un air de mépris ; « mais, comme la mienne se trouve inséparablement liée avec elle, vous voudrez bien ne pas trouver mauvais que je m’occupe seule de ce qui la concerne. — Mais que voulez-vous dire, lady Ashton ? qu’est-ce qui vous déplaît ? Comment se fait-il qu’après une si longue absence vous n’arriviez que pour me faire des reproches ? — Interrogez votre propre conscience, sir William ; demandez-lui ce qui a fait de vous un renégat à votre parti et à vos opinions politiques ; ce qui vous a amené, autant que j’ai pu le comprendre, jusqu’au point de marier votre fille unique à un misérable jacobite ruiné, au plus implacable ennemi de votre famille. — Mais, au nom du bon sens et de la politesse la plus commune, que vouliez-vous que je fisse, madame ? pouvais-je décemment ne pas recevoir chez moi un jeune homme bien né, qui, tout récemment encore, a sauvé la vie de ma fille et la mienne ? — Sauvé votre vie ! j’ai entendu parler de cette histoire. Le lord garde des sceaux s’est laissé effrayer par une vache, et il a pris pour un autre Guy de Warwick, le jeune homme qui l’a tuée. Le premier boucher d’Haddington pourrait bientôt avoir les mêmes titres à votre hospitalité. — C’en est trop, lady Ashton ! et encore quand je suis prêt à faire pour vous tous les sacrifices… Dites-moi enfin ce que vous voulez de moi ? — Allez trouver vos hôtes, répondit l’impérieuse dame : faites vos excuses à Ravenswood de ce que l’arrivée du capitaine Craigengelt et de quelques autres amis vous met dans l’impossibilité de lui offrir plus long-temps un logement au château ; dites-lui que j’attends le jeune Hayston de Bucklaw, et que… — Juste ciel ! madame, s’écria sir William ; Ravenswood céder la place à un Craigengelt, à un joueur reconnu, à un délateur ! J’ai eu peine à m’empêcher de lui ordonner de sortir de chez moi, et ce n’est qu’avec une extrême surprise que je le vois à votre suite. — Puisque vous l’y avez vu, répliqua sa douce moitié, vous avez dû croire que c’est un homme dont la société est honorable. Quant à ce Ravenswood, il ne fait que recevoir le même traitement que, je le sais positivement, il a fait éprouver à un de mes amis pour