Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/231

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marquée. Reprenant de la main passive de sir William le billet qu’il lui avait donné un instant auparavant, il s’approcha de lady Ashton, et allait lui adresser la parole, lorsqu’elle le prévint en lui disant :

« Je m’aperçois, milord, que vous êtes sur le point d’entamer un sujet de conversation fort désagréable. Je suis fâchée qu’il se soit passé quelque chose qui ait pu porter la plus légère atteinte à l’accueil respectueux dû à Votre Seigneurie. Mais voici le fait : M. Edgar Ravenswood, à qui j’ai adressé le billet qui est entre les mains de Votre Seigneurie, a abusé de l’hospitalité qu’il a reçue dans cette famille, ainsi que de la faiblesse du caractère de sir William Ashton, pour s’emparer du cœur d’une jeune personne et lui faire prendre, sans le consentement de ses parents, des engagements qu’ils n’approuveront jamais. »

Tous deux se récrièrent à la fois.

« Mon parent est incapable… » dit le marquis.

« Lucy n’a pu… » dit le garde des sceaux.

Lady Ashton les interrompit tous deux. « Milord, » dit-elle au marquis, « votre parent, si M. Ravenswood a l’honneur de l’être, a, d’une manière clandestine, tenté de s’emparer de l’affection d’une fille jeune et sans expérience. Sir William Ashton, » dit-elle à son mari, « votre fille a eu la faiblesse d’encourager, plus qu’elle ne le devait, les prétentions d’un homme qui ne lui convient en aucune façon. — Il me semble, madames, » s’écria sir William perdant sa patience et sa modération ordinaire, « que si vous n’aviez rien de meilleur à nous dire, vous auriez tout aussi bien fait de garder pour vous ce secret de famille. — Vous me pardonnerez, sir William, » répondit-elle avec calme ; « le noble marquis a le droit de connaître la cause du traitement dont j’ai cru devoir user envers un homme qu’il appelle son proche parent. — C’est une cause, » se dit tout bas le garde des sceaux, » qui survient après l’effet ; car, en supposant même qu’elle existe, je suis sûr que ma femme n’en avait aucune connaissance lorsqu’elle a écrit sa lettre à Ravenswood. — C’est la première fois que j’entends parler de ceci, dit le marquis ; mais puisque vous avez mis sur le tapis un sujet aussi délicat, permettez-moi de vous dire, milady, que la naissance et les relations de mon parent lui donnaient le droit d’être écouté avec patience, ou du moins d’être refusé avec politesse, même dans la supposition qu’il eût été assez ambitieux pour aspirer à la main de sir William Ashton. — Veuillez vous