Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/269

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Le marquis occupa la chambre du dais[1], qui, dans toutes les maisons plus relevées que de simples chaumières, était religieusement conservée pour les grandes occasions telle que celle-ci. L’invention moderne, de couvrir les murs d’un plâtre uni, était alors inconnue, et on ne voyait de tapisseries que dans les demeures de la noblesse ou de la haute bourgeoisie. Le tonnelier, qui avait un peu de vanité et quelque aisance, avait imité l’usage observé par les propriétaires de terres et par le clergé, lesquels, ordinairement, ornaient leurs chambres d’apparat de tapisseries d’une espèce de cuir imprimé, qui se fabriquait dans les Pays-Bas, représentant des arbres, des animaux exécutés en or faux, et offrant quelques maximes morales ou sentencieuses, qui, quoique écrites en bas flamand, avaient peut-être autant d’influence sur l’esprit et les actions de ceux à qui elles offraient quelque agrément, que si elles eussent été en bon écossais.

L’ameublement avait un aspect un peu sombre ; mais le feu, alimenté par de vieilles douves de barils de goudron, brillait gaiement dans la cheminée ; le lit était garni de draps d’une propreté et d’une blancheur éclatante, qui n’avaient jamais servi, et qui peut-être n’auraient jamais été déployés sans cette grande occasion. Sur la toilette, à côté, se trouvait un miroir de forme antique, dans un cadre en filigrane : ce meuble venait du château voisin, en paiement peut-être de quelque ouvrage fourni par le tonnelier. Il était flanqué d’une bouteille à long goulot remplie de vin de Florence, à côté de laquelle s’élevait un verre, à peu près de la grandeur de celui que Teniers se met ordinairement en main lorsqu’il place son portrait au milieu des acteurs d’une fête de village. Pour servir de pendant à ces sentinelles étrangères, on voyait, de l’autre côté du miroir, deux énormes factionnaires de race écossaise, savoir, un pot rempli d’ale double, de la contenance d’environ une pinte, et un quaigh ou gobelet d’ivoire et d’ébène, cerclé en argent, chef-d’œuvre sorti des mains de John Girder, et qui ne lui causait pas peu d’orgueil. Outre ces précautions contre la soif, on avait déposé sur la toilette quelques gâteaux d’Écosse, de sorte que l’appartement paraissait suffisamment approvisionné pour soutenir un siège de deux ou trois jours.

Le valet de chambre du marquis était à son poste, étalant la robe de chambre de brocard de son maître et son bonnet de velours richement brodé, doublé et bordé de dentelles de Bruxelles,

  1. La plus belle chambre de la maison. a. m.