Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/320

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même, attirés par la bonne chère préparée en ce jour au château pour les pauvres comme les riches, se dirigeaient de ce côté, et subissaient, malgré leurs préventions, l’influence de l’Amphitryon où l’on dîne.

Ce fut ainsi que, suivie d’une multitude de gens de toutes les classes, Lucy retourna à la maison de son père. Bucklaw usa de son privilège, en se tenant à côté de sa jeune épouse ; mais, peu accoutumée à une pareille situation, il cherchait plutôt à attirer les regards par les grâces de sa personne et son adresse à manier un cheval, qu’à essayer d’entretenir Lucy en particulier. Enfin on arriva au château, au milieu de mille acclamations d’allégresse.

On sait que, dans les temps anciens, les noces se célébraient avec une publicité que repousse la délicatesse de nos mœurs actuelles. Les convives furent traités avec une profusion presque sans bornes ; et, après que les domestiques se furent amplement régalés à leur tour, les restes du banquet furent distribués à la foule bruyante ; on y joignit assez de tonneaux d’ale pour que l’hilarité des convives du dehors correspondît à celle des convives du dedans. Les hommes, suivant l’usage de l’époque, se livrèrent, pour la plupart, au plaisir de boire, de porter de nombreux toasts avec les vins les plus précieux, tandis que les dames, s’étant préparées pour le bal, attendaient impatiemment leur arrivée. Enfin, après être restés long-temps à table, les cavaliers se rendirent dans le grand salon, et, après s’être débarrassés de leurs épées, choisirent leurs partners pour la danse. La musique, placée dans la galerie, en faisait déjà retentir les voûtes. D’après l’étiquette rigoureuse, la mariée aurait dû ouvrir le bal ; mais lady Ashton excusa sa fille sur sa mauvaise santé, et présentant la main à Bucklaw, se disposa à la remplacer.

Mais au moment où lady Ashton relevait la tête avec grâce, en attendant que la musique donnât le signal pour commencer la danse, elle fut frappée d’une telle surprise à la vue du changement inattendu que l’on avait fait dans les tableaux qui ornaient le salon, qu’elle ne put s’empêcher de s’écrier : « Qui a osé placer ici ce portrait ? »

Tout le monde leva les yeux, et les personnes qui connaissaient l’ameublement ordinaire de l’appartement, remarquèrent avec surprise qu’on y avait enlevé le portrait du père de sir William Ashton, et qu’on y avait substitué celui du vieux sir Malise Ravenswood, dont les regards courroucés semblaient jeter à la com-