Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/331

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aucune attention, et il se mit à courir pour voir la route que prenait son maître. Edgar tourna à gauche, et suivit un petit sentier dégradé qui conduisait au rivage de la mer : il avait été taillé dans le roc, et aboutissait à une sorte de crique où, dans les anciens temps, on amarrait les barques du château.

Retournant aussitôt à la tour, Caleb monta en toute hâte sur le rempart de l’est, qui commandait la vue entière des sables presque jusqu’au village de Wolf’s-Hope : il vit son maître galoper dans cette direction, de toute la vitesse de son cheval, et la prophétie qui annonçait que le dernier lord de Ravenswood périrait dans les sables mouvants du Kelpy, lui revint tout à coup à la mémoire. Il le vit en effet atteindre l’endroit fatal, et là il cessa de l’apercevoir.

Le colonel Ashton, ne respirant que la vengeance, était déjà au rendez-vous, foulant le gazon avec toute l’ardeur de la colère et jetant des regards d’impatience vers Wolf’s-Crag. Le soleil venait de se lever et montrait à l’orient son large disque au-dessus de la mer, de sorte que le colonel put aisément distinguer un cavalier accourant vers lui avec une rapidité qui prouvait le désir d’une prompte entrevue. Tout à coup le cheval et le cavalier devinrent invisibles comme s’ils s’étaient évanouis dans les airs. Il se crut, un instant, abusé par une vaine apparition ; mais bientôt, s’étant avancé vers cet endroit, il rencontra Caleb Balderstone, qui arrivait du côté opposé. On ne put découvrir aucune trace du cheval ni du cavalier : les vents et les hautes marées avaient considérablement reculé les limites des sables mouvants, et le malheureux Ravenswood, comme l’indiquait la trace des pas du cheval, avait, dans sa précipitation, quitté la chemin qui passait au pied du rocher, pour prendre la route la plus courte et la plus dangereuse. Le seul indice de son sort fut une plume noire qui s’était détachée de son chapeau, et que les flots de la marée montante poussèrent jusqu’aux pieds de Caleb. Le vieillard la ramassa, la fit sécher et la plaça sur son cœur.

On donna l’alarme aux habitants de Wolf’s-Hope, qui accoururent tous, les uns le long du rivage, les autres en bateaux ; mais leurs recherches furent inutiles : les sables mouvants ne lâchent jamais la proie qu’ils ont engloutie.

Notre histoire approche de sa conclusion. Le marquis d’Athol, rempli d’inquiétude par les sinistres nouvelles qui lui étaient parvenues, et voulant soustraire son jeune parent aux suites proba-