Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/364

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irlandais de Walter Butler. — Et, » dit lord Menteith, que le récit des aventures de ce soldat de fortune paraissait intéresser, « puis-je vous demander comment vous vous trouvâtes de ce changement de service ? — Assez bien, assez bien. Je ne puis pas dire que l’empereur payât beaucoup mieux que le grand Gustave. Pour de bons coups, nous en avions en quantité. J’étais souvent obligé de me cogner la tête contre mes vieilles connaissances les plumes suédoises, et par-là Votre Honneur doit entendre des pieux à double pointe, garnis de fer à chaque extrémité, et plantés devant les régiments de piqueurs, pour empêcher la charge de la cavalerie, lesquelles plumes suédoises, quoique d’une vue agréable, ressemblant à des arbrisseaux ou à de jeunes arbres d’une forêt, tandis que les fortes piques rangées en bataille derrière elles représentaient de grands pins, n’étaient cependant pas aussi douces que de la plume d’oie. Néanmoins, malgré les bons coups et la paie légère, un cavalier de fortune peut faire assez bien ses affaires dans le service impérial ; car ses profils particuliers ne sont pas surveillés de si près qu’en Suède : de sorte que, si un officier fait son devoir sur le champ de bataille, ni Wallenstein, ni Pappenheim, ni le vieux Tilly avant eux, n’écoutent les plaintes que les paysans ou les bourgeois portent contre le commandant ou le soldat par lesquels ils se sont trouvés un peu rançonnés. Ainsi un cavalier expérimenté, sachant comment il faut s’y prendre, comme dit notre proverbe écossais, pour lier la tête de la truie à la queue du marcassin, peut prélever sur le pays la paie qu’il ne saurait obtenir de l’empereur.

— Et on en use largement, sans doute, et en soignant bien ses intérêts ? — Certainement, milord » répondit Dalgetty avec le plus grand sang-froid. « Car il serait doublement honteux pour un soldat de rang, de voir citer son nom pour de minces délits.

— Et, je vous prie, monsieur, continua lord Meinteith, qui vous a fait quitter un service si lucratif ? — Le voici, milord : le major de notre régiment était un cavalier irlandais nommé O’Quilligan, et j’avais eu le soir précédent quelques mots avec lui sur la valeur et la prééminence de nos nations respectives ; il lui plut, le lendemain, de me donner des ordres avec la pointe de sa canne en l’air, comme s’il m’eût menacé, au lieu de la baisser et de l’incliner à terre, comme c’est la coutume d’un officier courtois commandant son égal en rang, quoique inférieur peut-être, en grade militaire : nous nous battîmes en duel pour cette querelle, mon-