Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/37

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du défunt, montrant sur leurs visages plus de rage que de douleur, et leurs épées nues qu’ils brandissaient formaient un contraste terrible avec leurs vêtements de deuil. Dans les traits du jeune homme seul, le ressentiment paraissait pour le moment céder au profond chagrin avec lequel il voyait son meilleur et presque son unique ami descendre dans le tombeau de ses ancêtres. Un de ses parents remarqua une pâleur mortelle qui se répandait sur son visage, lorsqu’à la fin du service funèbre il lui fallut, comme chef du convoi, remplir le triste devoir de marcher en avant de la bière près d’être descendue dans le caveau, où les cercueils dégradés n’offraient plus que les lambeaux de leurs enveloppes de velours et les débris de leurs plaques d’argent, et dont le nouvel habitant devait partager l’état de corruption de ceux qui l’y avaient précédé. Ce parent s’approcha du jeune homme, et lui offrit son assistance ; par un geste muet Edgard Ravenswood le refusa, et remplit avec fermeté cette douloureuse et dernière fonction. La pierre du caveau fut scellée, la porte de cette partie de l’église fermée, et la clef massive remise au jeune homme.

Comme la foule des assistants quittait la chapelle, il s’arrêta sur les marches qui conduisaient au sanctuaire gothique : « Messieurs et amis, dit-il, vous avez rendu aujourd’hui avec solennité les derniers devoirs au défunt. Les honneurs funèbres, que dans d’autres pays on regarde comme religieusement dus au citoyen le plus obscur, auraient été refusés en ce jour à un allié de vos familles, appartenant à une des premières maisons d’Écosse, si votre courage ne les lui eût assurés. D’autres ensevelissent leurs morts dans la douleur et dans les larmes, dans le silence et le respect ; nos rites funéraires ont été interrompus par l’intrusion d’huissiers et d’hommes armés. Une juste indignation a remplacé la douleur que nous fait éprouver la perte de notre ami. Mais je ne sais de quelle main est parti le trait qui a été dirigé contre nous. Il n’y a que celui qui a creusé la tombe qui ait pu avoir la lâcheté de troubler les obsèques. Que le ciel permette qu’il m’en arrive autant, ou même pis, si je ne me venge pas sur cet homme et sur sa maison de la ruine et du déshonneur qu’il a attirés sur moi et sur les miens ! »

Une grande partie de l’assemblée applaudit à ce discours, comme étant la vive expression d’un juste ressentiment ; mais les esprits plus réfléchis regrettèrent que ce discours eût été prononcé. La position de l’héritier de Ravenswood était loin de le mettre en état