Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/387

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dant je pense que ce n’est pas là le véritable mot d’ordre ; mais il est certain que je dormirai avec ma cuirasse, comme plus d’un honnête camarade qui ne s’est jamais réveillé, si vous ne m’aidez à défaire cette boucle. — Détachez-lui son armure, Sybbald, dit Anderson à l’autre domestique. — Par saint André ! » s’écria le capitaine en se tournant et dans la plus grande surprise, « voici un étonnant camarade ! Un mercenaire qui gagne quatre livres par an et un habit de livrée se trouve trop grand pour servir le ritt-master Dugald Dalgetty, de Drumthwacket, qui a fait ses humanités au collège Mareschal, à Aberdeen, et qui a servi la moitié des princes de l’Europe ! — Capitaine Dalgetty. » dit lord Menteith qui avait rempli le rôle de pacificateur toute la soirée, « sachez qu’Anderson ne sert que moi seul ; mais j’aiderai moi-même volontiers Sybbald à défaire votre cuirasse. — Ce serait trop de peine pour vous, milord, dit Dalgetty, quoique cependant cela ne vous nuirait pas de savoir comment l’on met et l’on ôte une belle armure. Je puis entrer dans la mienne comme dans un gant, et en sortir de même ; seulement ce soir, quoique non ebrius, je suis, selon la phrase classique, vino ciboque gravatus[1]. »

Pendant ce temps, Sybbald l’avait débarrassé de son armure, et il se tint debout devant le feu, réfléchissant en ivrogne sur les événements de la soirée. Ce qui semblait l’intéresser surtout, c’était le caractère d’Allan Mac-Aulay. « Tromper si adroitement les Anglais avec ses porte-torches highlanders ! huit Rories sans culottes pour six candélabres d’argent ! c’est une maîtresse pièce ; un tour de passe[2], une parfaite adresse ; et avec tout cela être fou : Je doute, milord ; ici il secoua la tête si, malgré sa parenté avec Votre Seigneurie, je puis lui accorder les privilèges d’un homme qui a toute sa raison, et si je dois le bâtonner suffisamment pour qu’il expie sa violence, ou autrement lui offrir un duel comme cela convient à un cavalier insulté. — Si vous voulez entendre une longue histoire, dit Menteith, quoique la nuit soit déjà un peu avancée, je puis vous raconter les circonstances de la naissance d’Allan : elles sont si bien en rapport avec son caractère bizarre, que vous ne penserez plus à lui demander satisfaction de l’insulte qu’il vous a faite. — Une longue histoire, milord, après un bon souper, et un chaud bonnet de nuit, est ce

  1. Gorgé de vin et d’aliments. Ebrius, ivre. a. m.
  2. Tour de passe ; ces mots sont en français dans l’original. Nous disons tour de passe-passe. a. m.