Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/393

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intraitable aussi bien que l’état dérangé de son esprit avaient une telle influence sur son père, qu’il ne lui exprima son déplaisir qu’en lui faisant observer que j’avais tué un daim gras, et que j’étais revenu avant le coucher du soleil, tandis qu’il supposait que lui, Allan, qui avait été sur la montagne jusqu’à minuit, était revenu sans gibier. — « Êtes-vous sûr de cela ? » dit Allan fièrement ; « voici quelque chose qui va vous faire changer de langage ! »

« Nous remarquâmes alors que ses mains étaient ensanglantées, et qu’il y avait des traces de sang sur son visage. Nous attendions la solution de ce problème avec impatience, lorsque tout à coup, dénouant le coin de son plaid, il fit rouler sur la table une tête humaine ensanglantée et fraîchement coupée, disant en même temps : « Reste sur cette table où la tête d’un meilleur homme fut placée avant toi. » À ces traits sauvages, à ces cheveux roux, à cette barbe en partie grisonnée par l’âge, son père et ceux qui étaient présents reconnurent la tête d’Hector du Brouillard, un chef bien connu de ces brigands, redouté par sa force et sa férocité, qui avait pris une part active au meurtre du malheureux gardien de la forêt, et qui s’était échappé, par sa bravoure désespérée et son agilité extraordinaire, lorsque tous ses compagnons avaient été mis à mort. Nous fûmes tous, il faut le dire, frappés de surprise : mais Allan refusa de satisfaire notre curiosité, et nous conjecturâmes seulement qu’il avait tué son ennemi après un combat opiniâtre, car nous découvrîmes qu’il avait reçu plusieurs blessures dans le combat. On prit alors toutes les mesures pour le mettre à l’abri des vengeances de cette race ; mais ni ses blessures, ni les ordres positifs de son père, ni même la précaution qu’on prit de fermer les portes du château et celles de sa chambre, ne purent empêcher Allan d’aller à la recherche des êtres qu’il poursuivait particulièrement. Il s’échappa la nuit par la fenêtre de sa chambre, en se riant des vaines précautions de son père. Il apporta un jour la tête d’un Enfant du Brouillard, et une fois encore celles de deux autres. À la fin, ces hommes, tout braves qu’ils étaient, s’effrayèrent de l’audace et de l’animosité invétérée avec lesquelles Allan les poursuivait dans leurs retraites. Comme il n’hésitait jamais à les attaquer, quel que fût leur nombre, ils conclurent qu’il portait un charme, ou qu’il combattait sous la protection de quelque influence surnaturelle.

« Ni fusil, ni dirk, ni dourlach, disaient-ils, ne peuvent rien contre lui. Ils attribuaient cela aux circonstances remarquables