Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/399

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Qu’il en vienne mille de plus, et il ne se querelleront pas sur la vaste bruyère à défaut de place. — Allan a raison, dit son frère ; il est extraordinaire qu’un homme, qui, entre nous, dit-il à Musgrave, est un peu fou, semble parfois avoir plus de raison que nous tous ensemble : observez-le maintenant. — Oui, » continua Allan en attachant sur le mur opposé ses regards terribles et effarés, « ils peuvent commencer comme ils doivent finir. Plus d’un homme dormira cette nuit sur la bruyère, qui, lorsque le vent de la Saint-Martin[1] soufflera, y restera couché nu comme la main, et s’inquiétera fort peu du froid ou du manque d’habillements. — Ne parlez pas ainsi, mon frère, dit Angus ; cela ne présage rien d’heureux. — Et quel bonheur attendez-vous donc ? » dit Allan, dont les yeux paraissaient sortir de leur orbite : en prononçant ces paroles il tomba dans les bras de Donald et de son frère, qui, connaissant la nature de sa maladie, s’étaient approchés pour le retenir dans sa chute ; ils l’assirent sur un banc, et le soutinrent jusqu’à ce qu’il eût repris ses sens et qu’il fût en état de parler.

« Pour l’amour de Dieu, Allan, lui dit son frère, qui savait l’impression que ses paroles mystérieuses produiraient sur l’esprit de ses hôtes, ne dites rien pour nous décourager. — Est-ce donc moi qui vous décourage ? que chacun supporte sa destinée comme moi. Ce qui doit arriver arrivera ; et nous passerons avec bravoure, à travers bien des champs de victoire, avant d’arriver à cette fatale place de massacre, ou avant de monter sur ces échafauds tendus de noir. — De quelle place voulez-vous parler ? quels échafauds ? » s’écrièrent plusieurs voix : tant il est vrai que la réputation d’Allan était généralement établie chez les Highlanders !

« Vous ne le connaîtrez que trop tôt, répondit-il. Ne me parlez plus ; vos questions me fatiguent. » En même temps il porta la main à son front, appuya son coude sur son genou, et resta plongé dans une profonde rêverie.

« Allez chercher Annette Lyle, avec sa harpe, dit Angus à voix basse à son domestique ; et que ces messieurs me suivent, s’ils ne craignent point un déjeuner des Highlands. »

Tous accompagnèrent le laird hospitalier, excepté lord Menteith, qui resta seul dans une des embrasures des fenêtres de la salle. Un instant après, Annette Lyle entra dans la chambre, et ce n’était pas à tort que le lord Menteith, l’avait comparée à la fée la plus légère et la plus gracieuse qui eût jamais foulé le

  1. Martin mass, le 11 novembre, fête de saint Martin. a. m.