Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/428

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veux cachaient presque ses yeux, et, avec un sourire et en rougissant, elle annonça qu’elle avait reçu de Mac-Aulay l’ordre de leur demander s’ils aimaient la musique. Sir Duncan Campbell jeta un regard de surprise et d’intérêt sur la charmante personne qui interrompait ainsi sa discussion avec Allan Mac-Aulay.

« Se peut-il, » lui dit-il à voix basse, « qu’une créature si belle et si gracieuse soit la musicienne gagée du château de votre frère ? — Non, non, » répondit aussitôt Allan, et cependant avec quelque hésitation ; « c’est une… une proche parente de notre famille ; et elle est traitée, ajouta-t-il avec plus de fermeté, comme la fille adoptive de la maison de notre père. »

En parlant ainsi, il se leva de son siège, et avec cet air de courtoisie que tout Highlander peut prendre lorsqu’il le juge convenable, il le céda à Annette, et lui offrit en même temps les rafraîchissements qui étaient sur la table, avec un empressement qui avait probablement pour but de donner à sir Duncan une idée de son rang et de son mérite. Si tel était le dessein d’Allan, il n’était pas nécessaire. Sir Duncan avait les yeux fixés sur Annette avec une expression d’intérêt beaucoup plus marqué que celui qu’il aurait ressenti si elle avait été seulement une personne d’importance. Les regards fixes du vieux chevalier embarrassaient la jeune fille, et ce ne fut pas sans une grande hésitation, qu’après avoir accordé son instrument et reçu un coup d’œil d’encouragement de lord Menteith et d’Allan, elle chanta une ballade dans la langue celtique.

Lord Menteith observait, avec quelque surprise, que ces chants paraissaient produire sur l’esprit de sir Duncan Campbell une impression beaucoup plus profonde qu’il ne l’aurait cru, d’après son âge et son caractère. Il savait bien que la sensibilité des Highlanders de cette époque pour les chants et les récits était beaucoup plus grande que celle qu’on rencontrait chez les Lowlanders leurs voisins ; mais cela même, pensait-il, pouvait à peine rendre compte de l’embarras avec lequel le vieillard détournait ses yeux, qu’il avait d’abord tenus fixés sur la chanteuse, comme s’il eût craint de les laisser reposer sur un objet aussi intéressant. On aurait dû d’autant moins s’y attendre, que ses traits exprimaient l’orgueil, l’insensibilité et l’entière habitude du commandement ; et il était impossible de deviner comment une circonstance si ordinaire avait pu produire en lui une telle altération. Son front se couvrit d’un nuage ; il abaissa ses larges et épais sour-