Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/500

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apprendre les détails de la dernière campagne. On peut croire qu’il fut reçu avec joie par des hommes qui, abandonnés depuis quelque temps à l’uniformité monotone de la vie militaire, regardaient la société de tout nouveau venu comme une événement intéressant. Allan Mac-Aulay fut le seul qui parut éprouver une impression de déplaisir en revoyant le major ; et, pressé par son frère d’en expliquer le motif, il ne put donner d’autre raison de sa conduite que la répugnance qu’il sentait à traiter familièrement un homme qui, si récemment encore, s’était trouvé dans la société d’Argyle et d’autres encore de leurs ennemis. Le major fut d’abord assez alarmé de cette espèce d’instinct qui faisait deviner à Allan quelle compagnie il avait fréquentée depuis peu ; mais il s’aperçut bientôt avec satisfaction que le don de seconde vue ne l’empêchait pas d’être en défaut dans cette circonstance.

Comme Ranald Mac Eagh devait être placé sous la protection et la surveillance du major Dalgetty, il était nécessaire qu’il le présentât à ceux avec lesquels il était lié le plus intimement. Le vieillard avait quitté le tartan de son clan pour prendre un vêtement particulier aux habitants des îles éloignées et qui consistait, en une espèce de veste à manche et en un jupon, le tout ne formant qu’une seule pièce. Cet habillement, boutonné par devant du haut en bas, ressemblait assez à celui que l’on nomme une polonaise, vêtement que, en Écosse, les enfants du peuple portent encore aujourd’hui. La chaussure et le bonnet de tartan complétaient ce costume que les vieillards du siècle dernier se rappelaient avoir vu porter par les insulaires qui, en 1715, vinrent se ranger sous les drapeaux du comte de Mar.

Le major Dalgetty, les regards fixés sur Allan, présenta Ranald Mac Eagh sous le nom supposé de Ranald Mac Gillihuron de Benbecula, qui s’était, disait-il, échappé avec lui des prisons d’Argyle. Il le vanta comme un habile joueur de harpe et comme un barde des montagnes[1], ajoutant qu’il possédait également le don de prédire, et qu’il possédait le don de seconde vue. Tout en leur donnant ces détails, le major hésita et balbutia d’une manière si peu conforme à la volubilité ordinaire de son langage, qu’il n’aurait pas manqué d’exciter les soupçons d’Allan Mac-Aulay, si l’attention de celui-ci n’avait été absorbée tout entière par l’attention avec laquelle il paraissait étudier les traits de cet étran-

  1. Seannachie, dit le texte : mot écossais pour désigner particulièrement les bardes montagnards de l’Écosse. a. m.