Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/96

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en temps tout bas, comme pour s’encourager dans son entreprise, lorsqu’il fut interrompu par la voix de son maître. « Prenez ceci, » dit le maître de Ravenswood, « et allez acheter ce qui est nécessaire pour la maison ; » et en parlant ainsi, il donna au vieux sommelier la bourse qui, la veille au soir, avait échappé de si près aux griffes de Craigengelt. Le vieillard secoua ses cheveux blancs et clairsemés, et regarda son maître avec l’expression de la plus vive douleur, tandis qu’il pesait dans sa main le mince trésor et qu’il disait d’un ton chagrin : « Est-ce là tout ce qui reste ? — Tout ce qui reste pour le présent, » répondit le maître en affectant plus de gaieté qu’il n’en éprouvait réellement, « est justement la bourse verte et une petite somme d’or, comme dit la vieille chanson ; mais cela ira mieux quelque jour, Caleb. — Avant que ce jour arrive, dit Caleb, je crains bien que la vieille chanson ne soit finie, et le vieux serviteur aussi. Mais il ne me convient pas de parler de la sorte à Votre Honneur, surtout quand je vous vois si pâle. Reprenez votre bourse, et gardez-la pour en faire parade dans le monde ; car si Votre Honneur voulait seulement écouter un avis, et de temps en temps la tirer de la poche en compagnie, et puis la resserrer, il n’y aurait personne qui refusât de nous faire crédit, malgré tout ce qui s’est passé. — Mais, Caleb, dit le maître, je suis toujours dans l’intention de quitter bientôt ce pays, et je désire le faire avec la réputation d’un honnête homme, en ne laissant aucune dette après moi, du moins, aucune de celles que j’aurais contractées moi-même. — Et c’est très-juste, répondit Caleb, que vous partiez comme un honnête homme, et c’est ce que vous ferez, car le vieux Caleb peut faire mettre sur son compte tout ce que l’on prend pour la maison. Je puis d’ailleurs tout aussi bien vivre dans l’intérieur qu’à l’extérieur de la Toibooth[1], et l’honneur de la famille sera sauvé.

Le Maître essaya, mais en vain, de faire comprendre à Caleb que c’était là une raison de plus pour le faire persister dans sa répugnance à contracter des dettes, parce qu’il ne voulait pas que son sommelier s’en rendît personnellement responsable. Mais il parlait à un premier ministre trop occupé de ses voies et moyens, pour chercher à réfuter les arguments par lesquels on en attaque la justice et la nécessité.

« Il y a Eppie Smatrash, qui nous donnera de l’ale à crédit, » se disait Caleb ; « elle a passé toute sa vie dans la famille ; peut-

  1. Nom de la prison d’Édimbourg. a. m.